Caution CAT

On oublie trop souvent que les difficultés de procédure sont partout, et peuvent surgir à tout moment.

Tout se passe bien, jusqu'au moment où...

C'est précisément ce qu'a dû se dire le confrère dans un dossier simple a priori, à deux parties, dans un litige concernant la vente de biens meubles accessoires d'une activité artisanale.

Cependant, il se trouve qu'en cours de procédure, l'intimé est décédé. L'appelant l'ignorait, et ce n'est pas le problème.

La procédure s'est poursuivie. L'appelant a conclu, et a notifié ses conclusions dans le délai à l'avocat constitué pour l'intimé.

Après le décès (évidemment, il ne pouvait pas le faire avant...), l'avocat de la partie intimée a adressé à la Cour l'acte de décès en prenant soin de dire que l'instance était interrompue, visant l'article 370 du CPC... qu'apparemment l'avocat avait lu un peu trop rapidement.

Et c'est là que ça devient intéressant sur le plan procédural !

Si l'avocat a "informé" la Cour du décès de son client, il ne l'a pas notifié, de sorte qu'il n'y a pas eu interruption de l'instance (un décès n'interrompt pas l'instance comme une liquidation judiciaire). Or, la Cour de  cassation a eu l'occasion de rappeler que la lettre par laquelle un représentant se borne à aviser son confrère du décès de son client n'interrompt pas l'instance (Civ. 2e 19 décembre 2002, Bull. civ. n° 296).

L'instance peut donc se poursuivre, nonobstant ce décès, et à défaut d'interruption de l'instance.

Surtout, entre temps, le délai de deux mois de l'article 909 du Code de procédure civile a expiré, sans que l'intimé ait conclu.

Par conséquent, la Cour n'a pu que constater que l'instance n'a pas été interrompue, et que l'intimé n'a pas conclu dans son délai. L'affaire est donc considérée comme en état d'être jugée, sans que l'intimé ait pu dire quoi que ce soit.

 

Moralité : tout peut très bien se passer en appel, mais tout peut arriver, à tout moment, dans n'importe quel dossier. Il est erroné de croire que seuls les dossiers de construction à multiples parties sont sujets à difficultés.

L'erreur procédurale est tapie dans l'ombre. Elle guette, tel le vautour ou la hyène. Bon d'accord, l'image est un peu poussée, mais y'a un peu de ça !

Même si dans beaucoup de dossiers, il ne se passera rien de spécial, il y a toujours ze dossier, celui dans lequel ça coince.

Quand vous prenez votre voiture, la plupart du temps vous arrivez à bon port. La plupart du temps, oui...

 

 

 

Auteur: 
Christophe LHERMITTE

Commentaires

Le décès se notifie au confrère, non à la cour.
Cette notification peut se faire par signification (CPC, art. 672), par notification directe (CPC, art. 673), mais également par voie électronique. Vous avez raison.
Cependant, encore faut-il qu'il s'agisse d'un envoi à l'avocat et surtout que soit joint la pièce qu'est l'acte de dénoncé de décès.
En l'espèce, cet acte de procédure n'existait pas. C'était un simple courrier adressé à la Cour (et non à l'avocat adverse), auquel était joint non pas un acte de procédure (le dénoncé du décès) mais le certificat de décès : l'avocat n'a pas notifié (au sens procédural) le décès au confrère, mais a informé la cour du décès. Au regard des règles de procédure, ce n'est pas la même chose.
Il n'y avait donc pas eu notification du décès au confrère, au sens procédural, mais simple information de la cour de l'existence d'un décès.

Tout envoi par voie électronique ne saurait de plus valoir notification d'acte de procédure... ou alors, tout envoi à un avocat par voie électronique aurait un caractère officiel, ce qui serait dangereux.
Même par le RPVA, tout message adressé par un avocat à son confrère reste couvert par la confidentialité.

Mes explications ont-elles été éclairantes ?

Par ailleurs, au cabinet, nous avons une attirance particulière pour la procédure civile.
Les interventions sur Hub, le blog du site, la lettre d'information, les articles juridiques, sont autant de moyens de partager et de valoriser la place de la procédure civile.

Il n'en demeure pas moins - et vous avez parfaitement raison - que nous constatons que tout cela peut aussi avoir des répercussions "publicitaires" (ce terme ne me choque absolument pas, et ce d'autant que ce droit a été reconnu à l'avocat).
Est-ce le but inavoué recherché ? Je n'ose trop m'interroger sur ce point, car j'aurais trop peur de trouver une réponse qui serait moins glorieuse que le seul amour de la procédure civile...
Cela étant, nous devons admettre que si, en plus de partager notre passion, nous pouvons inciter à une "consommation" de nos services, nous ne pouvons que nous en réjouir.
C'est du reste ce qui nous permet de continuer à faire de la procédure, et à alimenter le blog et la lettre d'information, etc.

Ce sera en tous les cas avec le plus grand plaisir que nous collaborerons avec votre cabinet, que ce soit dans une procédure bretonne, ou même pour toute question d'ordre procédural.

Bien à vous,

Peuvent être signifiés par RPVA les déclarations d'appel,les actes de constitution avec les pièces, et les conclusions et il ne s'agit de messages entre avocats soumis à confidentialité puisque cette signification vaut visa article 673.
Par contre on peut s'interroger de la valeur de toute autre acte non visé par l'arrêté du 20 décembre 2012.Faut il les notifier dans les formes des articles 672 et 673?
Bonne réflexion et bonne année 2015.

MCC,

Il semblait que le décès devait être notifié à partie ?

VBD

MCC,

Il semblait que le décès devait être notifié à partie ?

VBD

Mon cher confrère,

Absolument. A défaut, cette cause d'interruption n'interrompt pas l'instance et les délais continuent de courir.

VBD

CL

Cher Confrère,

Un point m'échappe. Si l'intimé a averti la Cour, c'est par la voie électronique qui est le mode de communication avocat/Cour.
Avec le RPVA, le confrère constitué est automatiquement mis en copie et a donc reçu l'acte de décès. Cette mise en copie, qui donne lieu à accusé de réception (pour ma part je ne décoche jamais la demande d'AR), devrait suffire à constituer la notification entre avocats.
Sauf à ce que l'intimé ait décoché volontairement la mise en copie, quelque chose m'échappe dans cette décision.

Par ailleurs, j'arrive ici par le biais de votre lettre d'information qui est une excellente initiative. Ajoutée à vos interventions régulière sur Hub Avocat, c'est une publicité (ce n'est pas un gros mot) efficace. Bordelais, je n'ai pas (encore !) de dossiers sur Rennes mais si l'occasion se présente, je m'adresserai à vous avec plaisir.

Quelles sont les références de cet arrêt ?

Mon cher confrère,

Le décès est notifié à l'avocat.

Il est vrai que son peut parfois utiliser le terme partie improprement.

Merci pour votre vigilance.

VBD

CL

Mon Cher Confrère,
FAUT IL ALORS NOTIFIER A PARTIE OU AU CONFRÈRE ADVERSE ????

Vous dites en effet d'abord: "Cependant, encore faut-il qu’il s’agisse d’un envoi à l’avocat et surtout que soit joint la pièce qu’est l’acte de dénoncé de décès"puis ensuite en réponse à un message du : 20 octobre 2017 d' Emmanuel BRUNEAU:
"Il semblait que le décès devait être notifié à partie ?"

votre réponse : 13 novembre 2017 by Christophe LHERMITTE
"Absolument. A défaut, cette cause d’interruption n’interrompt pas l’instance et les délais continuent de courir."
Donc notification à avocat ou à partie?

Bonjour Maître
Notre avocate est en vacances et comme vous le dites si bien, j'ai l'impression que mon amie a touché ze dossier.

En effet elle a fait appel d'une décision de justice concernant l'héritage de son défunt mari. Or l'un des enfants est lui même décédé.

A mon avis, cela ne change rien pour cet appel qui a été à nouveau défavorable. Puisque le frère est toujours survivant. Cependant quid de la courtoisie de prévenir la partie adverse et le tribunal???

Nous sommes donc au cours d'une cassation que nous allons tenter car nous sommes encore dans les délais.

Cher Maître,

Permettez moi tout d'abord de vous remercier pour ces précieux conseils et ces informations.

Je me joins à la demande de mon voisin du dessus, serait-il possible d'avoir connaissance des références de l'arrêt s'il vous plaît ?

Vous remerciant par avance pour votre retour ;

Bien Cordialement.

Chère Madame, Cher Confrère,

Votre arrêt m'intéresse particulièrement car je risque de me retrouver dans votre situation.

Auriez-vous l'amabilité d'en communiquer les références?

VBD

Bonjour cher Confrère,

Le Conseiller de la mise en état (chambre des urgences de la cour d'appel d'Orléans) vient de faire une tout autre analyse de la notion de notification de décès, et plus exactement de sa forme (à mon grand désarroi...) :
" Attendu que le conseil des consorts M a adressé à la société C le 20 mars 2018, par le réseau privé virtuel des avocats l'acte de décès de Madame M.
Que le conseil de cette société en a accusé réception le même jour à 16h31.
Attendu que cette société déclare que selon la jurisprudence l'échange informel d'information sur le décès ne peut constituer l'acte de procédure que constitue une notification de décès, seul acte de procédure susceptible d'entraîner l'interruption de l'instance au sens des dispositions de l'article 370 du code de procédure civile.
Attendu que la communication d'un acte de décès par le RPVA, voie qui offre toutes les garanties d'authenticité et de date, constitue une notification au sens du texte susvisé.
Que c'est à tort que la partie intimée demanderesse a l'incident réduit cette communication à un simple échange informel d'information.
Attendu que l'instance a donc été interrompu par la notification du décès le 20 mars 2018.
Que c'est à tort que la partie demanderesse à l'incident prétend que le délai imparti par l'article 908 du code de procédure civile aurait expiré le 10 avril 2018 "

Ainsi, une simple transmission de l'acte de décès par RPVA, accompagné d'un message (" ci-joint l'acte de décès") en réponse à une sommation de communiquer l'acte de notoriété et l'acte de décès, est-elle considérée comme valant notification du décès au sens de l'article 370 du code de procédure civile, emportant comme telle interruption de l'instance...

Le déféré me tente...

Je ne trouve guère de matière sur le sujet, hormis un arrêt de Cour de Cassation (chambre civile 2 - 27 février 2014, 13-11746) qui semble considérer incidemment que la notification de décès doit être réalisée également à l'égard des parties elle-même, et non seulement de leur avocat constitué (pratique bien lourde que personne ne semble adopter).

Il est vrai que l'usage du RPVA peut faire évoluer la jurisprudence... avez-vous connaissance d'autres décisions sur cette question? auriez-vous l'extrême obligeance de me transmettre les références de la décision de 2014 objet de votre première note?

Merci d'avance de vos remarques et de votre précieux point de vue...

Ma chère consoeur,

Cette décision peut se comprendre compte tenu de ce qu'est un envoi par le RPVA : c'est une notification 673.

Par ailleurs, il peut aussi être soutenu que le CPC ne prévoit pas un acte de procédure qui s'appellerait "notification de décès". La notification d'un décès n'est pas la régularisation d'un acte de procédure, mais une diligence procédurale.

La Cour de cassation a rendu assez récemment un arrêt (2016 ou 2017 ?) - commenté de manière très intéressante par Corinne Bléry - concernant la notification d'un jugement. L'arrêt est probablement cité sous 678 du CPC.

L'envoi d'un acte de décès par un avocat à l'autre avocat par RPVA vaudrait donc notification de décès, et emporterait en conséquence interruption de l'instance.

Cela me paraît assez cohérent en l'état des textes et de la jurisprudence de la Cour de cassation.

VBD

CL

Bonjour,
on aborde toujours la question sous l'angle du destinataire: A qui notifier le décès? Au juge, à la partie non décédée, à son Conseil. Et i y a des réponses.
Mais personne (pas même le code) ne dit QUI notifie le décès. Dans la pratique, il semble que ce soit l'avocat. Mais à quel titre? Il n'a plus de mandat. Il ne peut pas agir au nom d'un mort.
Et puis il y a (encore!) des procédures sans avocat. La logique voudrait que ce soit alors les héritiers qui notifient le décès à la partie adverse, en la forme ordinaire, ou par signification. Mais la logique voudrait qu'on ne distingue pas. Le "notifiant" doit être le même qu'il y ait ou non un avocat. Si ce sont les héritiers qui doivent notifier le décès, une notification de décès faite par avocat sans indication de l'héritier pour le compte duquel il notifie devrait être nulle. Et donc ne pas interrompre l'instance.
Ce sont les héritiers qui ont intérêt à l'interruption.
Et pour la partie "survivante", il est toujours compliqué de courir après les héritiers dont on ignore l'identité. Il y aurait donc une certaine logique à invalider les notification de décès faites sans "requérant" identifié.
Qu'en pensez-vous?
Et encore merci pour tous vos commentaires passionnants.

Bonjour,

Merci pour cet article.

S'agissant de la notification du décès: Cette notification est faite « à l’autre partie elle-même » et non à son représentant (Cass. 2e civ. 19 décembre 2002, n°00-14.361 : Titrages et résumés : PROCEDURE CIVILE - Instance - Interruption - Causes - Décès d'une partie - Notification - Avis de l'avoué à l'avoué de l'autre partie - Portée .
En cas de décès d'une partie, l'instance n'est interrompue qu'à compter de la notification qui en est faite à l'autre partie elle-même ; il s'ensuit que la lettre, par laquelle l'avoué d'une partie décédée s'est borné à aviser l'avoué de la partie adverse du décès de son client, n'a pas interrompu l'instance.

Cordialement

Ma chère consoeur,

La notification du décès se fait par acte d'avocat à avocat, lorsque la partie est représentée.

Au cabinet, on fait un acte de notification de décès... et c'est bien entendu l'avocat en tant qu'avocat, et non représentant, qui informe.

Je dis car je me rappelle d'actes d'une étude d'avoués desquels il ressortait que c'était la personne décédée, représentée, qui informait de son décès :-)

Et vous avez raison, tant qu'il n'y a pas notification dans les règles, il n'y a pas interruption de l'instance et donc pas d'interruption des délais.

Cordialement,

CL