Chacun sait désormais que - pour l'instant, car la prochaine réforme de la procédure pourrait revenir dessus - les délais des articles 908 et suivants ne sont pas applicables dans les procédures dites 905.
Mais la formulation, peut-être maladroite - et oui, même pas peur, je balance ! - de la Cour de cassation dans l'avis et l'arrêt s'étant prononcés sur cette question a laissé ouverte une interprétation que j'ai toujours estimé comme étant erronée. C'était notamment le cas à Bordeaux... les mêmes du reste qui avaient inventé le concept de "présomption de consentement exprès"...
La Cour a donc profité d'être saisie de cette question pour remettre les choses en place.

Je l'ai dit.

Je l'ai écrit. Et dernièrement encore dans un article "Et si l'on toilettait le décret Magendie ?" paru dans la Semaine Juridique de juin 2015.

Selon moi, il n'y avait aucune raison de différencier, dans les procédures 905 de droit, selon que l'affaire avait été fixée ou non.

C'était une lecture que je considérais comme fausse tant de l'avis que de l'arrêt de la Cour de cassation. Mais il est vrai que la formulation n'était peut-être pas la plus heureuse.

La lecture des conclusions du conseiller Pimoulle permettait pourtant de comprendre dans quel sens allait l'avis de la Cour de cassation.

A Rennes, j'avais pu être suivi sur cette argumentation.

Qui dit appel d'une ordonnance de référé ou d'une ordonnance de mise en état disait exclusion des délais pour conclure, quand bien même le président n'avait pas fixé l'affaire.

Je suis ravi de constater que mon interprétation était la bonne, après lecture de cet arrêt, publié, du 3 décembre 2015 (Civ. 2e, 3 décembre 2015, n° 14-20912, Publié au bulletin Cassation) :

 

Vu l'article R. 661-6 3° du code de commerce, ensemble les articles 905 et 908 du code de procédure civile ;
Attendu que lorsque conformément à l'article R. 661-6 3° du code de commerce, le président de la chambre saisie décide que l'affaire sera instruite sous le contrôle d'un magistrat de la chambre dans les conditions prévues aux articles 763 à 787 du code de procédure civile, les dispositions de l'article 908 du même code ne s'appliquent pas ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la SCI La Forêt et la SARL L'Européenne de promotion et d'investissement ayant relevé appel du jugement d'un tribunal de grande instance qui avait prononcé leur liquidation judiciaire, un conseiller de la mise en état a constaté la caducité de leur déclaration d'appel en application de l'article 908 du code de procédure civile ;
Attendu que pour confirmer l'ordonnance, l'arrêt retient que si les dispositions des articles 908 à 911 du code de procédure civile ne sont pas applicables aux procédures fixées selon les dispositions de l'article 905 du même code, elles le sont lorsqu'il n'a pas été fait application de l'article 905 de ce code, qu'il n'était ni soutenu ni établi que le président de la chambre avait fait application de ce dernier texte et que les appelantes étaient dès lors tenues de conclure dans le délai prévu à l'article 908 du code de procédure civile ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

 

Cassé Bordeaux !

 

Ca, c'est dit.

 

Je me risque à une autre prévision.

La réforme de la procédure civile, que nous attendons sous le sapin cette année - j'aurais préféré des Playmobil -, mettra davantage de rigueur dans les procédures 905.

Ainsi, même pour les appels des ordonnances de référé et des ordonnances de mise en état - ce qui pourrait opportunément être étendu aux ordonnances de non-conciliation - appelants et intimés devront respecter un délai pour conclure, sous peine d'irrecevabilité relevés d'office par le formation collégiale de la cour.

Ainsi, même pour les appels des ordonnances de référé et des ordonnances de mise en état - ce qui pourrait être étendu aux ordonnances de non-conciliation - appelants et intimés devront respecter un délai pour conclure, sous peine d'irrecevabilité (Attention ! cela n'est qu'une prévision)

Evidemment, je ne manquerai de clamer haut et fort avoir écrit cela si le décret de procédure de décembre 2015 (applicable le 1er mars 2016 ?) va dans ce sens.

Auteur: 
Christophe LHERMITTE

Commentaires

Cher Maître,

Je ne comprends pas le sens de cet arrêt du 3 décembre 2015. Je me permets de vous dire ce que j'ai compris en espérant que vous pourrez m'expliquer le reste (ou tout...).

Les articles 908 à 911 ne sont pas applicables aux procédures de l'article 905. La Cour d'appel confirme l'ordonnance du CME constatant la caducité de la déclaration d'appel pour expiration du délai pour conclure de l'art 908.
La Cour de cassation casse cet arrêt au motif que l'article 908 ne s'applique pas aux procédures de l'article 905 ? Et donc, aucun délai pour conclure n'avait à être respecté ?

Dans l'attente,

CDT

Amandine

Bonjour Amandine,

Ma lecture est la suivante.

La Cour de cassation, par avis, puis par arrêt, avait dit que les délais des article 905 et 908 ne s'appliquaient pas aux procédures fixées en application de l'article 905.

Cependant, des interprétations notamment bordelaises sont nées, selon lesquelles les délais ne s'appliquaient pas seulement lorsque l'affaire était fixée. Mais tant que l'affaire n'était pas fixée, et même s'il s'agissait de l'appel d'une ordonnance de mise en état ou d'une ordonnance de référé (l'appel relève de droit de l'article 905), il fallait respecter les délais. C'est d'ailleurs ce que soutenaient des auteurs.
En l'espèce, Bordeaux avait fait cette lecture à mon avis erronée de cette jurisprudence de la Cour de cassation. Ils se font donc taper sur les doigts.

Pour ma part, j'ai toujours considéré qu'il importait peu que l'affaire soit ou non fixée. Dès lors qu'il s'agissait notamment (et principalement) de l'appel d'une ordonnance de référé ou d'une ordonnance de mise en état, et avant même que l'affaire soit fixée, les délais 908 et 909 ne s'appliquent pas.

Je pense qu'au regard des interprétations données par certains avocats/auteurs/cours d'appel à cet avis et arrêt, la Cour de cassation a voulu préciser sa pensée.

Cela explique cet arrêt publié.

Donc, il est désormais acquis que dès lors qu'un texte prévoit que la procédure d'appel est instruite selon procédure 905, et c'est notamment le cas des ordonnances de référé et des ordonnances de mise en état, les parties n'ont pas - en l'état, et tant qu'une réforme n'intervient pas sur ce point - à conclure dans les délais 908 et 909.

Cet arrêt du 3 décembre 2015 n'apporte rien de nouveau sur le plan purement juridique. Il ne fait que préciser ce qui avait déjà été dit par la Cour de cassation avec une formulation ambiguë... Enfin, c'est tout au moins ma lecture de cet arrêt.

Cette décision est-elle devenue plus limpide ?

Cordialement,

CL

Bonjour,

Jurisprudence bordelaise toujours sur un cas particulier qui est le suivant : Saisine du président du TGI statuant en la forme des référés qui conformément à la demande rend une ordonnance de désignation du tiers évaluateur de l'article 1843-4 du code civil. La décision est sans recours possible mais le défendeur forme un appel nullité. La Cour applique les délais des articles 908 et 909. Qu'en pensez-vous ?Cordialement

Bonjour,

J'en pense qu'une appel nullité reste un appel, dont seule la finalité diffère. Au lieu de demander la réformation ou l'annulation du jugement, l'appel ne pouvant être qu'une voie de réformation ou d'annulation, vous demandez la nullité du jugement.
Pour le reste, c'est un appel, lequel doit être inscrit dans les mêmes délais et les même formes que si l'appel - celui du CPC - était ouvert. Donc, appel sous dix jours en matière de procédures collectives, 15 jours s'il s'agit d'une ordonnance, et application à mon avis très logique des articles 908 et 909 et des sanctions qui vont avec.

Il faut vraiment garder à l'esprit qu'un appel nullité est un appel à part entière, qui ne diffère que par la finalité de ce recours : la nullité du jugement (à distinguer de l'annulation, donc)... et qui évidemment n'est ouvert que pour des motifs très précis.

Bien cordialement,

CL

On ne peut faire plus clair. Merci de votre réponse rapide ! A très bientôt.

Cordialement

Amandine

 

 

Un arrêt 14-22784 du 15 novembre 2016 semble avoir statué dans un sens différent...

Qu'en pensez-vous?

Portrait de Christophe Lhermitte

Je ne retrouve pas l'arrêt

Je ne retrouve pas l'arrêt avec les références indiquées.

N'y aurait-il pas une erreur dans les références ?

Excusez-moi, il y a un point!

Excusez-moi, il y a un point! C'est bien un n° de pourvoi 14-22.784 de la chambre Commerciale du 15 novembre 2016. Un arrêt inédit.

Mystère de l'informatique,  on le trouve plus facilement sur Google en tapant 14-22.784 que sur Legifrance.

Il a fait l'objet d'une note de Madame FRICERO à la gazette, note que je n'ai pas encore lue.

 

Que je viens de lire (GP 10

Que je viens de lire (GP 10 janvier 2017, n°283g5 p.62) et qui n'est pas convaincante.

Et qui semble démentie par l'arrêt 17-10105 que vous avez commenté sous le titre "l'article 905 est-il incompréhensible?"

Enfin... si j'y comprends quelque chose???  J'en profite d'ailleurs pour vous remercier pour tout ce que j'apprends en vous lisant.

Portrait de Christophe Lhermitte

Merci tout d'abord pour votre

Merci tout d'abord pour votre retour sur ce blog yes

J'ai pu lire cet arrêt, inédit.

Il est conforme, et non contradictoire.

Il se trouve qu'en matière de procédures collectives, le 905 est souvent de droit, mais les textes permettent de déroger à ce 905 en orientant l'affaire en circuit ordinaire avec désignation d'un CME (la chambre familiale de la cour d'appel de Rennes a pu le faire également, mais contra legem car il n'existe pas un tel texte en matière familiale).

Dans cette affaire ayant doné lieu à l'arrêt, l'affaire a commencé en 905, mais le président l'a orienté en circuit ordinaire, avec en conséquence application des délais propres à cette procédure à savoir 908 et 909.

Cet arrêt n'est donc pas contradictoire, ni contestatble. Dès lors que l'affaire était sortie du circuit court, il relevait des règles du circuit ordinaire avec désignation d'un CME.