Le décret du 6 mai 2017 avait modifié les règles en matières d'appel en cas d'AJ.

Depuis, tout comme devant la Cour de cassation, la demande d'AJ retarde le délai pour faire appel, dans l'attente de la décision sur la demande d'aide juridictionnelle.

Il suffit seulement que la demande soit faite dans le délai pour conclure.

Et si une partie fait appel, son délai 908 court en tout état de cause, même si une demande d'AJ est faite dans le délai pour conclure.

Mais une difficulté était apparue, insoluble, pour les appels formés avant le 11 mai 2017, date d'entrée en vigueur du texte, et alors que l'appelant avait déposé une demande d'AJ dans son délai pour conclure.

La Cour de cassation apporte - enfin - une réponse qui met fin à l'incertitude.


Pour la Cour de cassation (Cass. 2e civ., 19 mars 2020, n° 19-12.990) :

« Il résulte de l’article 6, §1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que le principe de sécurité juridique implique que de nouvelles règles, prises dans leur ensemble, soient accessibles et prévisibles et n’affectent pas le droit à l’accès effectif au juge, dans sa substance même.
Le dispositif mis en place par le décret n° 2016-1876 du 27 décembre 2016, abrogeant notamment l’article 38-1 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, lequel prévoyait, dans le cas particulier d’une procédure d’appel, l’interruption des délais réglementaires que cette procédure fait courir, qui a créé une situation d’incertitude juridique, entraînant une confusion, encore accrue par la publication de la circulaire d’application du décret du 27 décembre 2016, bien que celle-ci soit, par nature, dépourvue de portée normative, porte atteinte au principe de sécurité juridique. En cela, il a pour effet de restreindre, de manière disproportionnée au regard des objectifs de célérité et de bonne administration de la justice que ce texte poursuivait, le droit d’accès effectif au juge des requérants qui sollicitent l’aide juridictionnelle après avoir formé une déclaration d’appel.
Par conséquent, l’appelant qui a formé appel avant le 11 mai 2017, date d’entrée en vigueur du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, et sollicité, dans le délai prévu par l’article 908 du code de procédure civile, le bénéfice de l’aide juridictionnelle, puis remis au greffe ses conclusions dans ce même délai, courant à compter de la notification de la décision statuant définitivement sur cette aide, ne peut se voir opposer la caducité de sa déclaration d’appel.
»

Ouf ! Il est heureux qu'il en soit ainsi. Et c'est l'article 6§1 de la Convention qui permet cette issue favorable, et plus précisément le principe de sécurité juridique, qui doit permettre un accès effectif au juge.

Notons au passage que la Cour de cassation rappelle qu'une circulaire d’application est, par nature, dépourvue de portée normative.

Ce rappel est nécessaire !

Auteur: 
Christophe LHERMITTE

Commentaires

Quid si la declaration d appel a été faite par un particulier qui a demandé l aj.... Déclaration nulle ? Possibilité pour faire une déclaration d appel par un avocat dans un délai d un mois à compter de sa désignation ou c est irratrapable si le cme à considérer que 908 n avait pas été respecté. Déféré en cours : soulever la nullité de la premier DA

Bonjour,

Si un particulier fait appel seul sans un avocat, l'appel est irrecevable. Nous ne sommes pas dans l'irrégularité de fond.

Cordialement,

CL

Cher Confrère,

Je m'interroge s'agissant de l'article 38 relatif à l'aide juridictionnelle dans sa rédaction applicable à compter du 1er septembre 2017 jusqu'à ce jour....

Il me semble que la lecture qui devrait en être faite est que l'alinéa 1 concerne uniquement l'appelant bénéficiaire de l'AJ, et l'alinéa 6 l'intimé bénéficiaire de l'AJ.

Aussi, seul l'intimé serait protéger des délais pour conclure en appel.

Il me semble qu'une lecture extensive de l'alinéa 6 au bénéfice de l'appelant l'avantagerait trop dans le cadre de la procédure d'appel.

Au plaisir de vous lire,

VBD.

Mon cher confrère,

En cas d'AJ, l'appelant bénéficie (comme devant la Cour de cassation) d'un délai pour saisir la cour d'appel, mais son délai pour conclure sera de trois mois (ou un mois en circuit court) et déclenché par l'inscription de l'appel.

Pour l'intimé, son délai 909 sera étendu, le temps de l'instruction du dossier d'AJ.

En définitive, cela revient au même, sauf que l'appelant doit différer son appel, ce qui n'est jamais très confortable.

VBD

CL

Discrimination de la part de la Cour de cassation ?

Que nenni ! La Cour se prononce sur le 908, car c'est de cette disposition qu'il s"'agissait en l'espèce.

Mais la solution vaut pareillement pour le 905-2.

Cordialement,

CL

Bonjour,
Dans le même genre, j'ai soulevé et obtenu l'irrecevabilité de conclusions d'un DS, effectué par mail... ce qu'il pouvait faire depuis, mais pas quelques jours avant...
Les joies de l'évolution de la procédure...
VBC
CL

Bonjour,

Cet arrêt m'a fait me poser une question sur la situation actuelle, peut-être pourrez-vous me répondre.

L'article 38 prévoit que la demande d'AJ interrompt le délai pour conclure de l'intimé, mais il prévoit aussi qu'il interrompt les délais pour conclure de la procédure à bref délai, en visant 905-2 qui, lui, concerne aussi bien l'appelant principal que l'intimé.

Pourquoi cette discrimination envers l'appelant principal 908 ?

Bonjour
merci pour ces contributions précieuses.
cet arrêt me rappelle un dossier personnel avant la réforme où le client ayant sollicité l'AJ, j'ai attendu la décision d'AJ pour former appel, déclaré irrecevable, malgré mes moyens tirés des exigences du procès équitable. aujourd'hui la cour de cassation se montre enfin logique avec les principes.