Nous savons désormais que pour la Cour de cassation, l'irrégularité dans la notification préalable d'un jugement à avocat relève du vice de forme.
La Cour de cassation l'a encore récemment rappelé, et elle ne dit pas le contraire dans cet arrêt publié du 22 septembre 2016.
Les termes de cet arrêt sont les suivants (Civ. 2e, 22 septembre 2016, N° de pourvoi: 15-22386, Publié au bulletin) :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 mai 2015), que le syndicat a interjeté appel le 11 février 2014 d'un jugement qui lui avait été signifié le 6 février 2014 ; que le syndicat, qui n'avait pas conclu sur ce premier appel, a interjeté, le 26 juin 2014, un second appel dont son adversaire, la société France Télévisions, a soulevé l'irrecevabilité en raison de sa tardiveté ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le syndicat fait grief à l'arrêt, confirmant l'ordonnance du conseiller de la mise en état, de déclarer son appel irrecevable comme tardif, alors, selon le moyen :
1°/ que si la distinction entre nullité de fond et nullité de forme et le caractère exclusif de ce régime sont pleinement applicables lorsqu'il s'agit de savoir si les formalités propres à un acte ont été accomplies, le dispositif est inapplicable dans l'hypothèse où l'intervention d'un acte était juridiquement exclue faute d'accomplissement par son auteur d'un acte préalable ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 114 et 678 du code de procédure civile ;
2°/ que si une signification à avocat doit précéder la signification à partie, lorsque la représentation est obligatoire, c'est pour permettre à l'avocat d'informer la partie de l'imminence d'une signification à partie, de l'alerter sur les effets de cette signification à partie et de l'éclairer sur les initiatives à prendre eu égard au contenu de la décision de justice, au besoin en éclairant ladite partie sur ce contenu ; que l'obstacle à la mise en oeuvre de cette obligation d'information et de conseil découlant de l'absence de signification préalable à avocat, cause nécessairement grief au destinataire de la signification à partie lorsque cette signification à partie fait courir un délai d'une durée d'un mois comme le délai d'appel ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 114, 115 et 678 du code de procédure civile ;
3°/ que si une signification à avocat doit précéder la signification à partie, lorsque la représentation est obligatoire, c'est pour permettre à l'avocat d'informer la partie de l'imminence d'une signification à partie, de l'alerter sur les effets de cette signification à partie et de l'éclairer sur les initiatives à prendre eu égard au contenu de la décision de justice, au besoin en éclairant ladite partie sur ce contenu ; que l'obstacle à la mise en oeuvre de cette obligation d'information et de conseil découlant de l'absence de signification préalable à avocat, cause nécessairement grief au destinataire de la signification à partie lorsque cette signification à partie fait courir un délai d'une durée d'un mois comme le délai d'appel ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé le droit au procès équitable tel que consacré par l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu qu'ayant exactement retenu que l'irrégularité de la signification d'un jugement à une partie résultant de l'absence de notification préalable à son avocat est un vice de forme et souverainement apprécié que le syndicat, qui avait pu former un premier appel en temps utile, ne justifiait pas d'un grief consécutif, c'est à bon droit et sans méconnaître l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que la cour d'appel a dit que la signification du jugement n'était pas nulle, de sorte que le second appel formé par le syndicat était tardif ;
l'irrégularité de la signification d'un jugement à une partie résultant de l'absence de notification préalable à son avocat est un vice de forme
Au passage, la Cour de cassation semble admettre que la partie qui n'a pas conclu sur son appel peut refaire un appel. Nous verrons dans un autre article que l'intimé n'est pas si bien logé.
Quoi qu'il en soit, dès lors que la partie avait pu régulièrement interjeter appel du jugement nonobstant cette irrégularité, le grief n'existe pas.
Faute de grief, la nullité de cette signification - qui fait courir le délai d'appel - n'est pas encourue, et le second appel est tardif.
Et le recours - ultime - à l'article 6 de la CEDH n'y change rien.
L'arrêt de cassation n'a pas dû être une surprise pour le demandeur au pourvoi, compte tenu de la jurisprudence actuelle de la Cour suprême en la matière.
Pour rappel, cette jurisprudence n'a pas toujours prévalu.
Il y a quelques années, l'absence de notification préalable entraînait la nullité sans avoir à rechercher le grief.
La Cour de cassation a accordé davantage à la nullité pour vice de forme. C'est ainsi qu'elle avait estimé que l'absence de signature sur des conclusions relevait de la nullité pour vice de forme, ce qui constituait un revirement. Plus récemment, par un arrêt du 16 octobre 2014, la Cour de cassation avait apprécié l'irrégularité tenant à l'envoi de conclusions par télécopie à l'auxiliaire comme étant de forme.
Et nous savons aussi que cette nullité, lorsqu'elle touche l'acte introductif d'instance - de première instance ou d'appel - ne fait plus peur au regard de la jurisprudence issue de l'article 2241 du Code civil.
Bref, la nullité est devenue un moyen de procédure de moins en moins intéressant, et il est souvent préférable de se rabattre sur un autre moyen - idéalement une irrecevabilité -, ou alors attaquer un autre acte que celui qui introduit l'instance.
Commentaires
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Bonjour
La théorie des actes inexistants a été abandonnée, de sorte que l'acte existe et qu'il faut en faire quelque chose : bref, dès lors qu'il existe, il faut le sanctionner par la nullité, l'irrecevabilité.
Mais les récents arrêts semblent marquer une espèce de retour à cette théorie.
Ainsi, pour la Cour de cassation, les conclusions de l'appelant remises après le délai 908 ne sont pas irrecevables. La sanction sera la caducité, sans passer par la case irrecevabilité.
On ignore l'acte, et l'on s'attache alors à l'obligation procédurale que la partie devait effectuer. L'a-t-elle fait ? Non, alors on pose la sanction.
Pourtant, l'acte existe bien, mais on ne s'y attarde pas puisqu'il ne répond pas à la diligence procédurale que devait accomplir la partie.
De la même manière, un appel incident fait pas signification de conclusions au lieu d'être fait par assignation subira le même sort. L'acte de signification ne sera pas discuté. N'est pas soulevé sa nullité ou sa recevabilité. La partie a-t-elle assigné dans le délai ? Non ? Alors la sanction tombe, à savoir l'irrecevabilité de l'appel incident (appel incident qui n'est pas un acte de procédure, mais une notion procédurale, ce qui n'est pas la même chose, l'acte procédural attendu étant précisément, dans mon exemple, une assignation).
Concernant l'arrêt du 16 octobre 2014, je l'avais davantage vu comme une souplesse apportée à l'article 673 (voir Gaz. Pal. fin 2014 ou début 2015 de mémoire).
Cordialement,
CL
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Bonjour,
Des conclusions devant le juge de la mise en état ou le conseiller de la mise en état ne sont pas des conclusions au fond.
La réponse à votre interrogation se trouve à l'article 910-1 CPC.
Cordialement,
CL
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J'avais bien vu cette jurisprudence, mais je .pensais qu'elle était peut-être obsolète : Cass. Civ. 2ème, 28 mai 2015, n° 14-28.233.
Merci pour votre réactivité !
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Bonjour,
Et qu'en est il du délai de notification des conclusions initiales d'un appelant et défendeur à l'incident devant le magistrat désigné pour la mise en état ?
Le délai de l'article 909 s'applique t-il avec irrecevabilité des conclusions initiales en réponse à l'incident ou bien n'y a t-il aucune sanction ?
Avec les conséquences pour la procédure au fond, ainsi que les pièces (CPC 906)
Voir Cour de cassation, avis n° 1300004 du 21 janvier 2013 -Demande n° 1200016
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Petit NB :
Cette jurisprudence (Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 22 mai 1995, 93-15.283), âgée certes, indiquait que : "Et attendu enfin que l'article 114 du nouveau Code de procédure civile n'est pas applicable au cas où un acte a été omis ;"
Ce qui en fait, soutient mon avis perso (commentaire précédent), simple logique. Comment juger la forme quand "rien" n'a été fait ?
Donc, il faut oublier cette jurisprudence ?
"Plus récemment, par un arrêt du 16 octobre 2014, la Cour de cassation avait apprécié l’irrégularité tenant à l’envoi de conclusions par télécopie à l’auxiliaire comme étant de forme."
Quid d'une notification d'acte faite par LRAR au lieu d'être faite par voie de signification ?
Nullité de forme aussi ?..
On dirait que la Justice française tend à ne plus avoir de vraie règle.
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Bonjour Maître !
A votre avis, peut-on rapprocher la position de la Cour de Cassation sur l'article 678, que son non respect est un vice de forme, et donc qu'il faut prouver l'existence d'un grief pour que la nullité soit prononcée, à l'article 503 du Code de Procédure Civile ?
Point de vue personnel : Je trouve ça surprenant que l’inaccomplissement d'un acte s’apparente à une nullité de forme quand il est, pour moi, indispensable d'avoir un "support" pour juger la forme.
J'aurais pensé que seul l'absence de " Mention de l'accomplissement de cette formalité doit être portée dans l'acte de notification destiné à la partie" pouvait être une nullité de forme mais l'absence de l'accomplissement d'un acte dans sa totalité (= inexistence) me semble être autre chose..
Merci :)
Art 678 :
"Lorsque la représentation est obligatoire, le jugement doit en outre être préalablement notifié aux représentants dans la forme des notifications entre avocats, faute de quoi la notification à la partie est nulle. Mention de l'accomplissement de cette formalité doit être portée dans l'acte de notification destiné à la partie.
Toutefois, si le représentant est décédé ou a cessé d'exercer ses fonctions, la notification n'est faite qu'à la partie avec l'indication du décès ou de la cessation de fonctions.
Le délai pour exercer le recours part de la notification à la partie elle-même."
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Bonsoir Maître,
Mon avocat a reçu par RPVA deux notifications d'avocat à avocat d'un jugement rendu en 2019 :
Le 1er acte de notification ne comporte aucune date et n'indique pas le N° RG du jugement bien que sa date et la juridiction y soient indiquées.
Le 2e acte de notification ne comporte aucune date également et n'indique pas le N° RG du jugement bien que sa date et la juridiction y soient indiquées.
La signification à partie, dudit jugement, a été faite le 4 juin 2019 et elle indique qu'un acte de notification d'avocat à avocat aurait été effectué le 28 mai 2019 alors qu'aucun des actes en question ne comporte de date.
Doit-on considérer que la notification d'avocat à avocat est irrégulière donc nulle ?
Ce qui entraînerait la nullité de la signification à partie ?
Pour ma part, je n'ai eu connaissance, via mon conseil, de ces actes de notification d'avocat à avocat qu'en date des 4 et 5 novembre 2019.
Je n'ai reçu la Grosse du jugement, via mon conseil, que le 5 novembre 2019.
Mon conseil m'avait adressé les 2 pages de signification à partie dudit jugement (Signification de l'huissier et Modalités de remise de l'acte) sans la Grosse, le 13 juillet 2019.
Dans l'attente de vous lire et avec mes remerciements.