Quelle est la compétence du conseiller de la mise en état pour prononcer l'irrecevabilité des conclusions ?
La question n'est pas évidente.
Récemment, un auteur proposait, dans le cadre d'un toilettage attendu du décret "Magendie", que "le texte doit permettre au conseiller de la mise en état de se prononcer sur toute question ayant trait à la recevabilité des conclusions, sans autres précisions. Devrait donc être supprimée de l'article (914) la référence "en application des articles 909 et 910", de telle sorte que le conseiller de la mise en état aurait toute compétence "pour trancher (...) toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ou pour déclarer les conclusions irrecevables" (Semaine Juridique 15 juin 2015, Etude, p. 1182, Et si loin toilettait le décret Magendie).
Un arrêt du 25 juin 2015, qui sera publié, semble précisément s'inscrire dans cette proposition.
En effet, par arrêt du 25 juin 2015 (Civ. 2e, 25 juin 2015, n° 14-17874, Bull. civ.), la Cour de cassation a statué en ce sens :
"Mais attendu que l'article 930-1 du code de procédure civile se bornant à fixer les modalités selon lesquelles les diligences prescrites par les articles 908 à 910 du même code doivent être exécutées, le conseiller de la mise en état était compétent pour déclarer irrecevables les conclusions qui n'avaient pas respecté le formalisme prescrit ; que c'est sans excéder ses pouvoirs que la cour d'appel s'est prononcée sur la recevabilité des conclusions de M. X... et de la banque dont elle était saisie ;"
"l'article 930-1 du code de procédure civile se bornant à fixer les modalités selon lesquelles les diligences prescrites par les articles 908 à 910 du même code doivent être exécutées, le conseiller de la mise en état était compétent pour déclarer irrecevables les conclusions qui n'avaient pas respecté le formalisme prescrit"
Cette décision méritait une publication, en ce qu'elle élargit indiscutablement la compétence du magistrat de la mise en état dont on sait pourtant qu'il n'a pas compétence pour statuer sur une fin de non-recevoir (Cass. avis, 13 fée. 2012, Bull. civ. 2012, avis n° 1). Et qu'est une irrecevabilité ? Une fin de non-recevoir.
Et il est logique de lui donner cette compétence, à ce conseiller de la mise en état qui doit purger toutes les difficultés d'ordre procédural, pour que la Cour n'ait plus qu'à se prononcer sur le fond, dans une affaire expurgée de tout problème de procédure. A chacun son boulot, et celui de la formation de la cour d'appel n'est pas de se pencher sur des problèmes de procédure.
le conseiller de la mise en état doit purger toutes les difficultés d'ordre procédural, pour que la Cour n'ait plus qu'à se prononcer sur le fond
C'est ça aussi, l'esprit du décret du 9 décembre 2009.
Et évidemment, on pense alors à la compétence de ce même magistrat de la mise en état pour prononcer l'irrecevabilité des conclusions sur le fondement des articles 960 et 961 du Code procédure civile. Sont irrecevable les conclusions qui ne respectent pas le formalisme imposé par ces articles, de sorte que cet arrêt semble transposable.
Du reste, par son récent arrêt du - sauf erreur - 29 janvier 2015, la Cour de cassation statuant sur l'irrecevabilité des conclusions au regard de l'article 961 du CPC, sur pourvoi d'un arrêt sur déféré, n'avait pas remis en cause cette compétence du conseiller de la mise en état. Si la Cour de cassation avait précisé, par cet arrêt non publié, que cette irrégularité pouvait être régularisée jusqu'à ce que le juge statue, la Cour n'avait pas cassé l'arrêt sur déféré au motif qu'il n'appartenait pas au conseiller de la mise en état de se saisir de cette question de procédure. Et ce "juge" n'est pas nécessairement le juge du fond, pouvant être aussi celui de la mise en état.
Ce faisant, cette compétence lui était reconnue. C'était la lecture que j'en avais faite alors, et qui semble confirmée par cet arrêt du 25 juin 2015 publié.
La réforme proposée du décret Magendie - dans l'article de la Semaine Juridique - quant à la compétence du conseiller de la mise en état pour statuer sur toute irrecevabilité de conclusions, passerait-elle par la jurisprudence de la Cour de cassation ?
Commentaires
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Cher Monsieur... ou chère Madame ;-)
Merci de votre réaction. La contradiction est tellement intéressante et enrichissante... car oui, j'aime échanger, et j'admets que l'on ne soit pas d'accord avec moi... et je peux même parfois accepter avoir tort, même si j'ai encore beaucoup de mal à le faire ;-)
Les dispositions applicables au JME le sont au CME, par renvoi de 907 aux articles 763 à 787. Donc, ce qui vaut pour le JME vaut également pour le CME, avec toutefois des dispositions particulières pour ce dernier.
Je ne suis pas le seul à penser que le CME devrait avoir ses dispositions propres, sans renvoi, mais le CPC est ainsi fait.
Donc, je persiste que le CME n'a pas compétence pour statuer sur une fin de non-recevoir, sauf lorsqu'une disposition le prévoit expressément, comme c'est le cas pour déclarer un appel irrecevable, ou des conclusions sur le fondement de l'article 909.
D'ailleurs, il ne pourrait se prononcer sur une prescription, par exemple, ou l'irrecevabilité d'une demande se heurtant à l'autorité de la chose jugée.
La fin de non recevoir se rapproche trop du fond du droit, qui doit rester de la seule compétence de la formation collégiale de la juridiction.
Il est exact que la Cour de cassation déclare le pourvoi irrecevable. Vous avez raison.
La Cour a d'ailleurs récemment rendu une décision en ce sens, considérant que l'arrêt sur déféré n'est pas susceptible de pourvoi immédiat s'il ne met pas fin à l'instance.
C'est le cas en l'espèce puisque l'irrecevabilité des conclusions ne met pas fin à l'instance.
Il en irait différemment si la Cour avait admis par exemple la caducité de la déclaration d'appel.
La Cour de cassation souligne qu'il n'y a pas "excès de pouvoir", ce qui suppose effectivement que ce pourvoi a été abordé sous l'angle du pourvoi nullité.
Mon commentaire aurait pu souligner ce point intéressant qui m'avait échappé.
Cela étant, la Cour de cassation ne se contente pas, à mon avis, de déclarer irrecevable le pourvoi. Elle en profite pour dire ce qu'elle pense de la possibilité pour le conseiller de la mise en état de se prononcer sur une irrecevabilité des conclusions hors 909 et 910.
Et à mon sens, elle indique expressément que le CME peut effectivement déclarer irrecevables les conclusions pour non respecte de 930-1 : "le conseiller de la mise en état était compétent pour déclarer irrecevables les conclusions qui n'avaient pas respecté le formalisme prescrit ".
En se prononçant sur un éventuel excès de pouvoir, elle donne sa position sur la compétence du CME.
930-1, comme 960 du reste, ne précise pas qui est compétent pour statuer sur l'irrecevabilité.
C'est d'ailleurs le sens de l'étude de la JCP que je citais, sur la réforme du décret Magendie... et dont j'admets être l'auteur.
Dans les procédures avec mise en état, cette compétence doit être celle du magistrat de la mise en état, même si l'article 914 semble l'exclure.
Qu'en pensez-vous ?
Merci par ailleurs de vous être exprimé sur ce que vous pensez du blog.
J'y suis sensible, vraiment.
Bien à vous,
CL
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Cher Maitre,
Elève-avocat et doctorant, travaillant actuellement pour un cabinet d'avocats en Bulgarie, le present article m'est particulièrement utile.
Auriez-vous d'autres jurisprudences plus récentes allant dans le même sens?
Merci
Respectueusement,
RM
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Cher Monsieur,
Désolé, mais, à ce jour, je n'ai pas d'autre jurisprudence que celle-ci.
Si la Cour de cassation a l'occasion de se prononcer à nouveau suer cette question, je ne manquerai pas de faire un billet sur le blog.
La réforme de la procédure civile pourrait peut-être aller dans ce sens. Je me permets à cette occasion, si cette question vous intéresse, vous renvoyer à l'article de la Semaine Juridique de juin 2015 "Et si l'on toilettait le décret Magendie ?" que je cite.
Cordialement,
CL
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Ma chère consoeur,
S'il y a une difficulté, je crains pour vous que l'adversaire trouve la parade à l'article 552 du CPC. L'appel de l'un des époux sauve l'appel de l'autre. En concluant pour les deux, l'époux oublié s'est joint à l'instance.
Je ne saisi s'il est donc opportun pour vous d'aller sur ce terrain procédural qui risque d'aboutir à un article 700.
Quoi qu'il en soit, concluez dans votre délai, et à l'encontre des deux parties.
Si toutefois vous devez maintenir, vous seriez sur la fin de non recevoir, la partie étant forclose.
VBD,
CL
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Mon Cher Confrère,
Un grand merci pour cette analyse. Je vais suivre vos conseils et soulever (à toutes fins) cette fin de non recevoir au fond.
Votre blog rend la procédure sympathique et attirante même s'il en révèle la grande complexité.
Je vous suis reconnaissante de ce concours.
VBD
Fanny KESTER
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Mais bien sûr qu'elle est sympathique cette procédure ;-)
Votre bien dévoué confrère.
CL
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Mon Cher Confrère,
Je reviens vers vous pour la problématique que je pensais réglée grâce à votre gentil éclairage.
C'était sans compter la Cour qui par un simple soit transmis, sans visa, émanant du Magistrat de la mise en état et notifié à mon confrère adverse a "attiré son attention sur le fait que l'appel a été interjeté au seul nom de Monsieur ...et que dans ces conditions les conclusions au nom de Madame ne pourront être reçues"
Je suis très embarrassée par cette situation dons je ne sais comment tirer avantage.
Il ne s'agit pas d'une ordonnance mais d'un soit-transmis et j'en déduis que le Magistrat attend la régularisation de la situation par des conclusions d'intervenant volontaire de Madame en bonne et due forme et, le cas échéant, par des conclusions d'appelant modifiées sur ce point (ne portant plus mention d'une partie non appelante). Cela m'amène à un questionnement: l'irrecevabilité annoncée "des conclusions au nom de Madame" n'entache t-elle pas d'irrégularité les conclusions d'appelant en elle-même (puisque les conclusions d'appelant notifiées dans les délais ont été établies aux deux noms et sont indivisibles), ce qui rendrait l'appel caduc faute de conclusions de l'appelant modifiées sur ce point dans le délai .... J'en reviens à ma question d'origine différemment posée...
Je me permets de vous saisir de ces suites inattendues susceptibles de vous amuser.
Confraternellement,
Fanny KESTER
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Cher Maître, permettez-moi de vous dire que vous faites un erreur fondamentale dans votre propos. Vs dites que cette décision élargit la compétence du magistrat de la mise en état dont on sait pourtant qu'il n'a pas compétence pour statuer sur une fin de non recevoir: ERRATUM!!! cette disposition ne s'applique que pour le JME et non le CME or en l'espèce nous sommes face au CME donc il avait l'entière possibilité de statuer sur une Fin de non recevoir.
De plus je ne fais pas la même lecture que vous sur cet arrêt, en l'espèce la cour d'appel déclare les conclusion irrecevables comme ne mettant pas fin à l'instance donc en application de 606/607/608 la haute cour déclare le pourvoi irrecevable. Restait la possibilité de faire un pourvoi nullité on se souvient (j'espère que vous aussi mon cher maitre) que la haute cour l'admet si il y'a un excès de pouvoir, donc la question était de savoir si la cour d'appel avait commis un excès de pouvoir en se prononçant sur les conclusion?
Si le CME n'était pas compétent la cour d'appel logiquement ne pouvait être saisie de la recevabilité des conclusions donc la vraie question était de savoir si le CME était compétent pour statuer sur la recevabilité des actes de procédure en application de 930.
MAGIE maître la cour de cassation répond par la positive " l'article 930-1 du CPC se bornant....."
Cette précision est important car 930-1 ne dit pas qui est compétent pour se prononcer sur l'irrecevabilité relevé d'office quand les actes de procédures ne sont pas remis par voie électronique. Dc mtn on considère que cette irrecevabilité peut être relevé d'office par CME quand y'a procédure d'appel avec CME ET le juge du fond quand il y'a procédure sans mise en état.
C'est avec un réel plaisir que je lis vos articles, et j'attends avec impatience votre réponse à cette légère coquille de votre part qui n'entrave pas l'immense qualité de vos propos et de vos réflexions à travers ce blog excelentissime.
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Quand vous voulez ;-)
CL
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Bonsoir,
Je vous remercie d'avoir fait suite à mon commentaire, c'est toujours un réel honneur que de déblatérer avec Maitre Lhermitte, je suis entièrement d'accord avec la fin de votre propos, dans les procédures de la mise en état cela doit relever de la compétence du CME que de faire respecter l'article 930-1, à défaut de mise en l'état cela relève de la compétence du juge du fond.
Concernant la fin de non recevoir, j'y vois une nature hybride mais effectivement le juge ne saurait se prononcer sur une demande vêtue de l'autorité de la chose jugée.
A quand une éventuelle rencontre Cher Maître voir une éventuelle collaboration? ;)
Bien à vous
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Cher Confrère,
J'ai lu avec attention une grande partie de votre blog pour tenter de rechercher la réponse à ma question:
des époux sont déboutés par un Tribunal d'instance d'une demande indemnitaire au titre d'un prétendu trouble de jouissance qu'ils ont eux-mêmes provoqué...La déclaration d'appel a été enregistrée (par erreur probablement) au seul nom de l'époux alors que le jugement a été signifié à chacun d'eux. Le confrère pensant "régulariser" la situation a notifié dans le délai des conclusions d'appel au nom des deux époux alors même que le Jugement est devenu définitif à l'égard de l'épouse, qui n'a pas fait appel, en demandant la reformation du jugement et la condamnations au bénéfice des époux...Les conclusions "indivisibles" me paraissent irrecevables rendant par suite l'appel caduc.J'envisage de prendre des conclusions d'incident en ce sens mais j'ai bien du mal à qualifier le moyen d'irrecevabilité, qui me paraît relever d'une fin de non recevoir "hybride"...Je pense préférable de conclure également sur le fond dans le délai requis pour les intimés, au regard des problématiques de compétence du conseiller chargé de la mise en état. Est ce un excès de prudence? Je serais ravie d'avoir votre avis et vous remercie par avance de votre éclairage précieux et passionné.
Votre bien dévouée,