La rupture des relations commerciales de l'article L 442-6 du Code de commerce constitue un véritable casse-tête, les règles particulières étant parfois difficilement conciliables avec les dispositions du Code de procédure civile.

Ici, l'appelant avait saisi la Cour d'appel de Rennes pour que soit réformé un jugement précédemment rendu en la matière par le Tribunal de commerce de Rennes.

Il est vrai que la Cour d'appel de Rennes est la juridiction d'appel du Tribunal de commerce de Rennes.

Mais c'était oublier les règles particulières régissant la matière...

Et cette difficulté n'a pas échappé à l'intimé qui a vu là un intéressant moyen de procédure pour mettre prématurément un terme à cette instance d'appel.

Pour échapper à la sanction invoquée par l'intimé, l'appelant se plaçait évidemment sur le terrain de l'exception de procédure.

Rappelons que l'exception d'incompétence est une exception de procédure qui répond notamment aux exigences de l'article 73 du Code de procédure civile.

Cependant, le conseiller de la mise en état n'avait pas suivi le raisonnement ainsi tenu. D'où le déféré régularisé par l'appelant.

Sur déféré, la Cour d'appel de Rennes, chambre commerciale qui du reste connaît parfaitement bien son sujet, confirme l'ordonnance (CA Rennes, 3e ch. 26 mai 2015, n° 14/09082, réf. cabinet 100753).

Il s'agit d'un problème de recevabilité de l'appel, et non d'incompétence au profit d'une juridiction - en l'occurence la Cour d'appel de Paris - comme le précisent les juges d'appel :

Que s’agissant d’une fin de non-recevoir et non d’une exception d’incompétence il n’y a pas lieu de renvoyer l’affaire à la cour de Paris, l’article 86 du code procédure civile n’étant pas applicable.

c’est dès lors à juste titre et sans porter atteinte au droit à un procès équitable, la société (appelante) ayant été à même de saisir la cour de Paris, que le conseiller de la mise en état, dont la décision sera intégralement confirmée, a déclaré irrecevable pour le tout l’appel de la société (appelante).

Ainsi, qui s'est trompé en saisissant une cour incompétente en matière de concurrence déloyale ne saura se rattraper en demandant à la juridiction d'appel de renvoyer la Cour d'appel de Paris. Son appel est irrecevable.

Cependant, l'irrecevabilité de l'appel ne vaut pas déchéance du droit d'appel de sorte que l'appelant peut saisir la juridiction compétente...

... ce qui suppose cependant que la voie de l'appel soit ouverte.

Si le jugement a été signifié par l'intimé en précisant la Cour d'appel de Paris, il deviendra illusoire de sauver la procédure. Il en va de même si c'est l'appelant qui a fait signifier le jugement, et ce quelle que soit alors la juridiction précisée : le délai aura couru contre celui qui a signifié, tandis que le destinataire pourra de son côté soutenir que, faute de précision quant à la juridiction effectivement compétente, le délai n'a pas couru, et ce conformément à une jurisprudence bien établie.

 

Vraiment très compliqué sur le plan procédural, ces histoires de rupture des relations commerciales.

Et je ne vous parle même pas des problèmes liés à la saisine initiale de la mauvaise juridiction, sans que personne n'ait rien dit, et/ou rien vu. Que faire alors de cette décision du tribunal de Lorient, incompétente, qui a statué en matière de rupture des relations commerciales ? Appel devant la Cour d'appel de Rennes, juridiction d'appel de la juridiction lorientaise ? Appel devant la Cour d'appel de Paris ? Et quel appel ?

Et lorsque le tribunal a statué sur l'article L 442-6 du Code de commerce mais également sur le droit commun, et que c'est sur le droit commun que le tribunal a prononcé la condamnation ?

Beaucoup de questions pour l'avocat, dont beaucoup sont sans réponse car cette réforme n'a pas été pensée pour s'intégrer dans les dispositions du Code de procédure civile.

La jurisprudence aura certainement l'occasion de préciser les choses si le législateur, ce qui est on ne peut plus probable, ne modifie pas les textes.

Auteur: 
Christophe LHERMITTE

Commentaires

Mon cher confrère,

Vous n'êtes pas sur un problème d'incompétence, ni de nullité de votre acte d'appel.
L'appel est irrecevable (fin de non recevoir).
Donc, n'attendez pas pour saisir la cour d'appel dont relève la juridiction de première instance, et voyez si vous n'avez pas un moyen pour échapper à une irrecevabilité de l'appel pour tardiveté, par exemple si la voie ou les modalités de recours n'étaient pas précisées dans l'acte de signification.

VBD.

CL

Bonjour,

En dehors de cette hypothèse de L.442-6, quelle attitude adopter pour régulariser la situation lorsqu’un appel d’un jugement mixte TGI a été régularisé devant une Cour territorialement incompétente ?

Je précise que le jugement a été signifié et que le délai d’appel est expiré.

Je pense me fonder sur les dispositions de l’article 2241 al 2 et sur la décision de la cour de cassation du 16 octobre 2014 qui accord un effet interruptif à l’acte d’appel annulé.

Dans cette hypothèse, j’ignore s’il est préférable :

-De faire tout d’abord un second acte d’appel devant la Cour compétente puis de déposer des concluions de désistement devant le CME de la Cour incompétente ou l’inverse ?

-D’attendre que l’incompétence soit jugée pour agir devant la cour compétente ?

Peut-être avez-vous une autre idée ?

VBD