Comme devons-nous lire cet arrêt (Cass. 2e civ., 4 nov. 2021, n° 19-17.202) :
« Vu les articles 114, alinéa 2, et 911 du code de procédure civile :
4. Il résulte de ces textes que la caducité de la déclaration d’appel, faute de notification par l’appelant de ses conclusions à l’intimé dans le délai imparti par l’article 911 du code de procédure civile, ne peut être encourue, en raison d’une irrégularité de forme affectant cette notification, qu’en cas d’annulation de cet acte, sur la démonstration par celui qui l’invoque du grief que lui a causé l’irrégularité.
5. Pour déclarer caduque la déclaration d’appel, l’arrêt retient qu’aucun texte du code de procédure civile ne prévoyant, à défaut de notification par le réseau privé virtuel des avocats, que les actes entre avocats puissent être notifiés par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, la notification des conclusions de l’appelante faite selon cette forme équivaut à une absence de notification.
6. En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que Mme [U] avait notifié par lettre recommandée avec avis de réception ses conclusions d’appelant à l’avocat de l’intimé dans le délai de trois mois suivant régularisation de la déclaration d’appel, la cour d’appel, qui a prononcé la caducité de la déclaration d’appel, sans avoir préalablement annulé l’acte de notification dans les conditions prévues à l’article 114 du code de procédure civile, a violé les textes susvisés. »
Est-il seulement reproché au juge de ne pas s’être penché au préalable sur la nullité ou alors une telle notification est exclue ?
Tout d’abord, rien n’oblige à notifier entre avocats selon la voie électronique.
C’est parfois méconnu, mais c’est exact.
Pour autant, tout n’est pas possible, et il faut se conformer à une notification conforme aux articles 671 à 673 du CPC.
Et là, je ne vois pas qu’une LRAR serait permise.
Il y a d’un part la notification directe de l’article 673, qui englobe la notification par voie électronique qui est une notification 673 (l’arrêté technique du 20 mai 20209 le dit, au demeurant), et d’autre part la signification.
La notification par lettre, LRAR ou lettre simple, est connue du CPC (CPC, art. 665 et s.), mais pas pour la notification entre avocats.
Une notification entre représentants est bien permise, mais dans le cadre de l’article 930-3 du CPC, c’est-à-dire entre un avocat et un défenseur syndical (‘et probablement entre défenseurs syndicaux).
Je rappelle que la Cour de cassation a récemment précisé ce qu’il fallait entendre par notification 673, qui impose une remise avec restitution d’un exemplaire visé (l’arrêt peut être retrouvé sur le blog).
En l’espèce, par conséquent, il y avait bien une nullité.
Cela étant, l’appelant court-il un risque devant la cour d’appel de renvoi ?
La Cour de cassation vise l’article 114, qui concerne la nullité pour vice de forme.
Sur renvoi de cassation, pour espérer une caducité, l’intimé devra obtenir la nullité, pour vice de forme.
Mais par définition, il sera trop tard, puisque la nullité aurait dû être soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.
Sur renvoi de cassation, qui revient sauf erreur sur déféré, la caducité sera écartée. L’instance d’appel pourra donc reprendre son cours, après que l’arrêt aura statué sur la caducité.
Soulignons au passage qu'il s'agissait de ces cas de caducité qui supposent de trancher au préalable une autre question de procédure : il faut se prononcer sur la nullité, avant de se prononcer sur la caducité.
En se mettant sur "l'absence de notification", le juge avait admis la théorie des actes inexistants, donc chacun sait/doit savoir qu'elle a depuis longtemps été abandonnée par la Cour de cassation... et il serait bon que les juges ne l'oublient pas.