Depuis quelques temps maintenant, la Cour de cassation s’est attaqué au dispositif des conclusions, et c’est radical.

Mais il ne faudrait pas oublier non plus que des conclusions, c’est aussi une entête, et cet arrêt de cassation nous démontre qu’il faut y prendre également (Cass. 2e civ., 30 sept. 2021, n° 20-15.607) :

« Enoncé du moyen
13. M. [N], en qualité de mandataire ad hoc de la société [3], la société [1], en qualité de mandataire ad hoc de la société [3], et les consorts [H] font grief à l’arrêt de confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a prononcé la caducité partielle de l’acte d’appel de la société [1], prise en sa qualité d’administrateur ad hoc de la société [3], alors :
« 1°/ que la simple erreur commise dans la désignation de la personne nommée en qualité de mandataire ad hoc d’une société dissoute n’entraîne pas la caducité des conclusions de ce mandataire ad hoc ; qu’il s’ensuit que les conclusions prises, dans le délai de trois mois suivant la déclaration d’appel, par M. [R] [N], déclarant agir en qualité d’administrateur ad hoc de la société [3], avait conservé l’appel qui avait été formé par le véritable mandataire ad hoc de cette entité, la société [1], prise en la personne de M. [R] [N], désignée en cette qualité en remplacement de M. [R] [N], exerçant à titre individuel, par l’ordonnance du 7 mars 2018 ; qu’en prononçant néanmoins la caducité de l’appel interjeté par la société [1], agissant ès qualités, la cour d’appel a violé l’article 908 du code de procédure civile ;
2°/ que, subsidiairement, la désignation inexacte ou incomplète des parties dans les conclusions d’appel n’est sanctionnée que par l’irrecevabilité provisoire des conclusions qui en sont entachées, jusqu’à la fourniture des renseignements exacts, la régularisation pouvant intervenir à toute hauteur de la procédure d’appel, et ce même après l’expiration du délai de caducité ; qu’en considérant que les conclusions d’appel déposées au nom du mandataire ad hoc de la société [3], improprement désignée comme étant M. [R] [N], avaient entraîné la caducité de l’appel interjeté par la société [1], nouveau mandataire ad hoc de la société [3], faute pour celle-ci d’avoir conclu avant le 14 mai 2019, quand l’identité du mandataire ad hoc de la société [3] pouvait être rectifiée ou complétée jusqu’à ce que le juge statue, la cour d’appel a violé les articles 908 et 961 du code de procédure civile ;
3°/ que le droit à un procès équitable et le principe de proportionnalité s’opposent à ce que des erreurs ou des omissions d’ordre purement matérielles, affectant la désignation d’un appelant dans ses conclusions, puissent entraîner la caducité de l’appel interjeté par celui-ci ; qu’en l’espèce, dès lors qu’elle était matériellement réparable, l’indication erronée dans les conclusions du 10 mai 2019 du seul nom de M. [N], comme administrateur ad hoc de la société [3], et corrélativement l’omission de la société [1], qui figurait au nombre des appelants, également en qualité de mandataire ad hoc de la société [3], pour avoir été désignée en remplacement de M. [N] par ordonnance du 7 mars 2018, ne pouvaient être sanctionnées par la caducité de l’appel interjeté dans l’intérêt de la société [3], représentée par son mandataire ad hoc ; que la cour d’appel a donc violé les articles 908 et 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
14. M. [U] conteste la recevabilité du moyen au motif que celui-ci est contraire aux écritures des demandeurs devant la cour d’appel.
15. Cependant, le moyen, qui n’est pas contraire à l’argumentation développée devant la cour d’appel par M. [N], en qualité de mandataire ad hoc de la société [3], la société [1], en qualité de mandataire ad hoc de cette même société, est recevable.
Bien-fondé du moyen
16. Ayant relevé que la société [1], ès qualités, avait, conjointement avec M. [N], ès qualités, et les consorts [H], interjeté appel du jugement du 14 décembre 2018, par déclaration du 13 février 2019, que le 10 mai 2019, les consorts [H] et M. [N], ès qualités, avaient déposé leur conclusions, et précisé que le nom de la société [1] ne figurait pas sur la liste des concluants en tête des conclusions et que celle-ci n’avait déposé aucune conclusion dans le délai de trois mois suivant la déclaration d’appel qui expirait le 14 mai 2019, la cour d’appel, ayant ainsi fait ressortir que cette irrégularité ne consistait pas en une simple erreur de dénomination dans la désignation de la personne nommée en qualité de mandataire ad hoc de la société, en a exactement déduit, sans méconnaître l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que c’est à juste titre que le conseiller de la mise en état avait déclaré caduc l’appel interjeté par la société [1], ès qualités.
»

Aurais-je soulever un tel incident ? ?

Je n’en suis pas certain.

L’appel est interjeté par plusieurs parties.

Toutefois, sur les conclusions, une des parties n’est pas mentionnée.

L’intimé dégaine alors l’arme de la caducité, au motif que cette partie n’aurait pas conclu.

Le CME suit l’intimé dans son raisonnement, ainsi que la cour d’appel sur déféré.

Et cela convient à la Cour de cassation.

L’argument selon lequel cette absence relève d’une simple erreur matérielle ne suffit pas.

Peu importe, a priori, que le contenu des conclusions fassent ressortir que cette partie a effectivement développé une argumentation au soutien de son appel.

Ce n’était pas acquis, et je ne suis pas persuadé que de mon côté, j’aurais conseillé un tel incident. Et pourtant, je ne suis pas spécialement frileux en procédure, et j’aime innover.

Mais je pense que j’aurais considérer qu’un incident aurait peu de chance d’aboutir dès lors que le contenu des conclusions palliait cette erreur.

D’ailleurs, peut-être ai-je déjà eu à me prononcer sur cette question ?

La Cour de cassation est parfois clémente, et peut admettre l’erreur.

Pas en l’espèce, où elle fait preuve, à mon avis, d’une grande rigueur.

Désormais, la question ne se pose plus.

Plus qu’à décortiquer les entêtes des conclusions pour soulever ce qui peut l’être...

Auteur: 
Christophe Lhermitte