Les textes n'étaient pas très clairs quant aux conséquences d'une interruption de l'instance sur les délais de procédure en appel.

Mais la Cour de cassation nous a dit, il y a quelques mois de cela, que l'interruption de l'instance emportait interruption - et non suspension - des délais pour conclure. Ouf !

Mais encore faut-il qu'il y ait interruption de l'instance, la cause étrangère ou la force majeure n'étant pas prévue comme constituant un juste motif pour ne pas respecter les délais imposés aux parties en appel.

C'est de cela dont il est question dans cette décision du 13 octobre 2016.

La Cour de cassation, par arrêt publié du 13 octobre 2016 (Civ. 2e, 13 octobre 2016, N° de pourvoi: 15-21307, Publié au bulletin), a dit que :

 

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 26 mai 2015), que Mmes José et Sylviane X... ont interjeté appel le 11 décembre 2013 d'un jugement les ayant déboutées de demandes qu'elles avaient formées à l'encontre du directeur régional des finances publiques de la Martinique ; que Mme Sylviane X... a déféré à la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant constaté la caducité de sa déclaration d'appel par application de l'article 908 du code de procédure civile ;

Attendu que Mme Sylviane X... fait grief à l'arrêt de constater la caducité de son appel, alors, selon le moyen, que l'interruption d'instance emporte celle du délai de caducité ; que l'instance est interrompue de plein droit par la cessation des fonctions de l'avocat lorsque la représentation est obligatoire ; que l'inaptitude professionnelle de l'avocat en raison de sa maladie emporte nécessairement cessation de ses fonctions fût-elle temporaire et, par voie de conséquence, interruption de l'instance ; qu'en affirmant néanmoins qu'il n'y avait pas eu interruption de l'instance, alors qu'elle avait constaté que l'avocat de la requérante avait dû subir un traitement médical spécialisé dans un établissement en métropole, la cour d'appel a violé l'article 369 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant exactement retenu que la maladie de l'avocat d'une partie, ou le traitement médical que celui-ci doit suivre, ne sont pas une cause d'interruption de l'instance, c'est sans encourir le grief du moyen que la cour d'appel a retenu que la déclaration d'appel était caduque ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

 

Fallait-il s'attendre à une autre décision ?

Les cas d'interruption de l'instance sont définis dans le Code :

  • la majorité d'une partie ;
  • la cessation de fonctions de l'avocat lorsque la représentation est obligatoire ;
  • l'effet du jugement qui prononce la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur ;
  • le décès d'une partie dans les cas où l'action est transmissible ;
  • la cessation de fonctions du représentant légal d'un incapable ;
  • le recouvrement ou la perte par une partie de la capacité d'ester en justice.

 

En l'espèce, l'avocat avait été malade ce qui constituait, pour cet avocat ayant loupé le délai, une cause d'interruption par cessation des fonctions de l'avocat.

La Cour de cassation fait preuve de rigueur, à mon avis indiscutable au regard des textes.

Il est vraisemblable que conscient que la cause étrangère ou la force majeure ne pouvaient prospérer, comme n'étant pas un motif prévu dans le CPC, l'avocat avait essayé de contourner la difficulté en invoquant cette cessation. C'était bien tenté, mais il eût été étonnant que cela aboutisse.

L'avocat, fût-il hospitalisé et tenu loin de son cabinet et de son activité, n'a pas cessé ses fonctions au sens procédural. Il est toujours avocat, inscrit au barreau.

L'avocat, fût-il hospitalisé et tenu loin de son cabinet et de son activité, n'a pas cessé ses fonctions au sens procédural.

Il est toujours avocat, inscrit au barreau.

En conséquence, sur le plan de la rigueur juridique, et en l'état actuel des textes, il ne pouvait être considéré qu'il avait cessé ses fonctions.

 

Certaines juridictions du fond avaient pu retenir, de leur côté, la force majeure pour assouplir les sanctions magendiennes. Mais c'est contraire au Code. Et ça ne passe pas devant la Cour de cassation.

Dura lex sed lex comme dirait l'autre.

 

La procédure d'appel est exigeante.

L'avocat qui exerce seul est certainement plus vulnérable que celui qui exerce avec une structure plus lourde, à mon avis indispensable pour être serein et ne pas se réveiller toutes les nuits en se demandant si on a pas loupé un délai (personnellement, mes nuits ne sont pas agitées, et seuls quelques braillards du jeudi soir arrivent parfois, mais très rarement, à troubler mon sommeil).

L'avocat qui postule en appel ne doit pas être malade, ou être éloigné ne serait-ce que temporairement de son cabinet.

Postuler exige une permanence, et il faut qu'un autre avocat prenne la main en cas d'indisponibilité.

C'est la leçon qu'il faut en tirer.

 

Cette jurisprudence peut paraître dure, voire inhumaine, mais c'est souvent que des délais s'imposent sans appréciation du magistrat.

Il en va ainsi du délai d'appel, des délais pour le mémoire en cassation, etc. Et au-delà des juridiction, c'est également le cas pour faire sa déclaration de revenus.

 

 

 

Auteur: 
Christophe LHERMITTE