Les articles 1635 bis Q et 1635 bis P du Code général des impôts ont créée deux nouvelles taxes fiscales.
L'une de 35 euros (contribution pour l'aide juridique) à la charge de l'appelant uniquement, et l'autre de 150 euros (pour alimenter le fonds d'indemnisation suite à la suppression de la profession d'avoué) à la charge de toutes les parties. Il est rappelé au passage que la taxe de 150 euros sert notamment à indemniser les centaines de salariés qui doivent être licenciés suite à la suppression de la profession d'avoué.
Ces taxes fiscales entrent dans les dépens (art. 695 1° du CPC).
Ces taxes supplémentaires, particulièrement élevée pour celle de 150 euros, paraissent a priori constituer un frein à l'appel en raison d'une hausse apparente du coût du procès d'appel.
Cependant, cela n'est pas si évident, et l'appelant peut aujourd'hui envisager différemment l'opportunité d'un appel en terme de coût.
Avant 2012, c'est-à-dire avant la suppression de la profession d'avoué, en cas de condamnation, l'appelant devait prendre en charge, au titre des dépens, principalement les états de frais des avoués.
Pour un litige dont l'intérêt était de 25 000 euros, les états de frais étaient de l'ordre de 800 euros HT par avoué. À cela s'ajoutait une indemnité au titre des frais irrépétibles, de l'ordre de 1 000 euros, ainsi que les honoraires de son avocat plaidant, que nous évaluerons à 1 000 euros TTC. En définitive, succombant en appel, l'appelant supportait, avant la réforme, un coût du procès de l'ordre de 3 900 euros, tandis que l'intimé faisait une "opération blanche", ses honoraires d'avocats étant compensés par l'article 700 octroyé par la Cour, et ses frais d'avoué étant supportés par l'appelant succombant.
Le même procès, en 2012, mettra à la charge de l'appelant, qui succombe en appel, les deux taxes fiscales de 150 euros et celle de 35 euros, soit 335 euros, outre la même indemnité pour frais irrépétibles de 1 000 euros. Il prendra en charge les honoraires de postulation de son avocat à hauteur de 800 euros HT et les autres honoraires de l'avocat (conclusions, plaidoiries, etc.) à hauteur de 1 000 euros TTC.
En définitive, pour le même dossier, l'appelant qui succombe paiera un peu moins de 3 300 euros, soit un coût moindre qu'avant la création de ces taxes fiscales.
En revanche, l'intimé, qui avant la réforme n'avait rien à exposer compte tenu de la répétibilité de l'état de frais de l'avoué, devra supporter un solde d'honoraires de l'ordre de 1 000 euros.
Il est rappelé, car tous ne l'ont pas nécessairement perçu, que le tarif a "disparu" en appel, et que l'avocat postulant en appel ne peut pas demander le règlement d'un état de frais sur la base du tarif des avoués et encore moins sur la base du tarif de première instance (voir quelle rémunération pour quelle postulation ?).
À noter que dans cet exemple, le coût global du procès est pourtant passé en l'espèce de 3 900 euros à 4 300 euros.
Paradoxalement, avec la suppression de la profession d'avoué, dont une des raisons annoncées était la baisse du procès d'appel, c'est dans beaucoup de dossiers une hausse du coût global du procès qui sera constatée, mais avec une répartition différente entre l'intimé et l'appelant.
À cet égard, s'il est probable que dans les dossiers dans lesquels l'intérêt du litige est très élevé, le coût global du procès sera moindre, cela ne sera pas le cas dans les dossiers dans lesquels l'intérêt du litige est moins élevé, c'est-à-dire dans l'essentiel des dossiers, surtout en province.
En tout état de cause, et dans tous les dossiers, sauf à ce que l'indemnité octroyée par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile couvre l'intégralité des honoraires des avocats, ce qui est peu probable, l'intimé supportera nécessairement une partie des honoraires de son avocat.
Pour l'intimé qui obtient satisfaction en appel, le coût du procès d'appel devient aujourd'hui toujours plus élevé qu'auparavant, lorsque les frais de postulation entraient dans les dépens.
En revanche, pour l'appelant qui perd son procès, la charge devient moindre.
Au titre des dépens, au lieu de prendre en charge l'état de frais de l'avoué adverse, soit en moyenne 800 à 900 euros, il devra supporter le coût de la taxe fiscale, soit 150 euros.
En définitive, les taxes fiscales ne doivent pas nécessairement constituer un frein à l'appel, l'appelant prenant désormais moins de risques en termes de coût du procès s'il perd en appel.
La suppression de la profession et la mise en place des taxes fiscales profitent donc à l'appelant, au détriment de l'intimé, même si en contrepartie l'accès au juge d'appel devient globalement d'un coût plus élevé depuis la disparition de la profession d'avoué.
Commentaires
Permalien
Bonjour,
Je voulais surtout démontrer que les évidences ne sont pas toujours si évidentes...
Le justiciable n'y a pas toujours gagné de passer du tarif des avoués à l'honoraire libre.
En revanche, pour l'avoué devenu avocat, il est plus conforme de pouvoir demander une vraie rémunération correspondant au travail effectué.
S'il y avait effectivement des rémunérations excessives pour une "simple" postulation, il y avait de nombreux dossiers dans lesquels nous conclusions, et pour lesquels nous étions véritablement de notre poche.
Désormais, dans ces dossiers, je peux facturer au temps passé.
Et en plus, nous pouvons prendre des honoraires de résultat.
Je dois reconnaître que cette rémunération par l'honoraire a ma préférence.
Mais encore une fois, le justiciable y a immanquablement perdu dans certains dossiers, car il pouvait auparavant se faire défendre à vraiment pas cher sous "l'ancien régime", et en plus aux frais de l'adversaire s'agissant de dépens.
J'ai même vu des clients gagner de l'argent, car ces parties gagnantes ne payaient pas leur avoué et conserver l'article 700, sans que l'avoué puisse demander quelconque honoraire : l'état de frais, et que l'état de frais, sans pouvoir demander des honoraires parce qu'il a conclu ou gagné.
Et je confirme par ailleurs que la taxe fiscale est passée à 225 euros. Pour rappel, elle alimente le fonds d'indemnisation qui a financé les licenciements des salariés des études d'avoués et remboursé les charges que les avoués avaient achetées.
Cordialement,
CL
Permalien
Maître,
J'ai bien suivi votre raisonnement (un peu tiré par les cheveux tout de même) et parviens à la même conclusion que vous mais pas pour les mêmes raisons.
Je pense beaucoup plus simplement que les justiciables sont comme leurs conseils de gentils moutons bien dociles qui, même s'ils râlent, payent (et j'ai même cru voir sur votre site que ces taxes avaient augmenté...).
Après, pour l'appelant, vous avez raison il ne risque plus effectivement les frais adverses d'avoués ce qui n'est pas rien.