Nous avions déjà évoqué le problème du dépaysement, à l'occasion des nouvelles dispositions Macron, et au regard de l'extension de la territorialité.
C'était ici et ici.
En voici un arrêt qui en est l'illustration.
La Cour de cassation a considéré que (Civ. 2e, 12 avril 2018, n° 17-17241, Publié au bulletin) :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 octobre 2015), que Mme X..., avocate inscrite au barreau de Paris, a formé opposition devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine à une contrainte délivrée le 22 janvier 2010 par le régime social des indépendants RAM professions libérales Ile-de-France à son encontre ; qu'à la demande de Mme X..., le tribunal s'est dessaisi au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale du Val d'Oise en application de l'article 47, alinéa 2, du code de procédure civile ; qu'ayant relevé appel du jugement qui a, notamment, dit n'y avoir lieu à saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle et ordonné la réouverture des débats afin que les parties versent au débat diverses délégations de pouvoir, Mme X... a demandé à nouveau le renvoi de l'affaire devant une juridiction limitrophe ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de délocalisation de la procédure et de statuer sur l'appel, alors, selon le moyen, que l'auxiliaire de justice qui demande le dépaysement d'une affaire ne peut choisir qu'une juridiction située dans un ressort limitrophe ; que s'il exerce ses fonctions devant la juridiction d'appel de ce premier tribunal, il peut demander un nouveau dépaysement en cause d'appel ; que Mme X..., avocat au barreau de Paris, ayant saisi à raison du lieu de délivrance de la contrainte par le RSI le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nanterre, ne pouvait demander le dépaysement de l'affaire que devant les tribunaux situés dans un ressort limitrophe, soit ceux de Versailles ou Pontoise, tous deux dans le ressort de la cour d'appel de Versailles ; la cour d'appel, devant laquelle Mme X... pouvait exercer ses fonctions en postulant dans les affaires relevant du tribunal de grande instance de Nanterre, ne pouvait donc pas refuser la demande de dépaysement au motif erroné que Mme X... aurait dû saisir en première instance un tribunal n'étant pas dans son ressort ; qu'elle a ainsi violé, par fausse application, l'article 47 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article 47 du code de procédure civile que, si une demande de renvoi peut être formée à tous les stades de la procédure et notamment en cause d'appel, elle doit cependant, à peine d'irrecevabilité, être présentée dès que son auteur a connaissance de la cause de renvoi ; qu'ayant relevé, d'une part, que Mme X..., avocat inscrit au barreau de Paris, ne pouvait ignorer que les avocats inscrits au barreau de l'un des tribunaux de grande instance de Paris, Créteil et Nanterre peuvent exercer, auprès de chacune de ces juridictions, les attributions antérieurement dévolues au ministère d'avoué, ni qu'au moment où elle a expressément demandé au tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine, qu'elle avait choisi, de délocaliser la procédure à Pontoise, elle se maintenait dans le ressort d'une cour d'appel où elle était susceptible d'exercer sa profession d'avocat, d'autre part, que Mme X... s'était délibérément placée dans la situation de relever en appel d'une juridiction non limitrophe, au sens de l'article 47 du code de procédure civile, faisant ainsi ressortir qu'elle aurait dû, dès la première instance, saisir le tribunal d'une demande de délocalisation devant une juridiction se trouvant dans le ressort d'une cour d'appel autre que celle de Paris ou de Versailles, la cour d'appel en a exactement déduit que la demande de renvoi ne pouvait être accueillie ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Pour un commentaire pertinent de cet arrêt, je renvoie à celui de Corinne Bléry sur Dalloz Actualités.