Je vous l'accorde, le titre ne donne pas beaucoup d'indices.
Mais pour tout dire, je n'ai rient trouvé de mieux.
Cet arrêt de cassation sent un peu le déjà-vu, et il s'inscrit donc dans la construction jurisprudentielle de la Cour de cassation concernant les diligences procédurales des parties.
Je vous résume les faits.
Un employeur fait appel.
En guise de notification de ses conclusions, dans le cadre du 911, l'appelant notifie ses conclusions à l'avocat qui représentait le salarié devant le conseil de prud'hommes.
Les mordus du blog voient déjà quelle sera la suite de l'histoire.
Et oui, c'est la caducité qui pendait au nez de l'appelant.
En appel, fort heureusement - mais comme on sait que tout est possible... - la caducité a été retenue, la cour ayant confirmé l'ordonnance de mise en état ayant déclaré l'appel caduc.
Et la Cour de cassation donne évidemment raison à la cour d'appel. Bravo !
L'arrêt de cassation est le suivant (Cass. 2e civ., 27 févr. 2020, n° 19-10.849 - Arrêt n°240 du 27 février 2020 (19-10.849) - Cour de cassation - Deuxième chambre civile - CLI:FR:CCAS:2020:C200240) :
5. En application de l’article 911 du code de procédure civile, sous les sanctions prévues par les articles 908 à 910 de ce code, les conclusions sont signifiées aux parties qui n’ont pas constitué avocat dans le mois suivant l’expiration du délai de leur remise au greffe de la cour d’appel ; cependant, si entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat.
6. L’appelant est mis en mesure de respecter cette exigence dès lors qu’il doit procéder à la signification de ses conclusions à l’intimé lui-même, sauf s’il a, préalablement à cette signification, été informé, par voie de notification entre avocats, de la constitution d’un avocat par l’intimé.
7. La notification de conclusions à un avocat qui n’a pas été préalablement constitué dans l’instance d’appel est entachée d’une irrégularité de fond et ne répond pas à l’objectif légitime poursuivi par le texte, qui n’est pas seulement d’imposer à l’appelant de conclure avec célérité, mais aussi de garantir l’efficacité de la procédure et les droits de la défense, en mettant l’intimé en mesure de disposer de la totalité du temps imparti par l’article 909 du code de procédure civile pour conclure à son tour. Il en découle que la constitution ultérieure par l’intimé de l’avocat qui avait été destinataire des conclusions de l’appelant n’est pas de nature à remédier à cette irrégularité.
8. Ayant, d’une part, relevé que l’appelante n’avait notifié ses conclusions dans le délai prévu par l’article 911 du code de procédure civile qu’à l’avocat qui avait assisté l’intimé en première instance et que l’appelante ne pouvait ignorer qu’elle n’avait pas reçu l’avis de constitution de son adversaire dans le cadre de l’instance devant la cour d’appel, faisant ainsi ressortir par cette considération que l’appelante ne s’était heurtée à aucun événement insurmontable, caractérisant un cas de force majeure, et, d’autre part, exactement retenu qu’il importait peu que l’intimé ait, postérieurement à la notification des conclusions, constitué l’avocat qui en avait été destinataire, c’est à bon droit, sans méconnaître les exigences du droit à un procès équitable, que la cour d’appel a constaté la caducité de la déclaration d’appel.
9. Le moyen n’est donc pas fondé.
Il y a plein de choses intéressantes dans cette décision.
Relevons-en quelques unes.
Déjà, il peut être souligné que la Cour de cassation semble revenir sur ce qui pouvait être vu comme un retour de l'acte inexistant.
En effet, et à puma connaissance c'est une espèce de mini revirement par rapport à la précédente jurisprudence, la notification des conclusions à un avocat qui n'a pas capacité à représenter la partie intimée est qualifiée d'irrégularités de fond. J'avais relevé que, jusqu'à présent, la Cour de cassation se contentait de dire que la partie n'avait pas satisfait à la diligence procédurale mise à sa charge, sans s'attarder sur cette qualification.
C'est à noter.
Par ailleurs, la Cour de cassation rappelle que l'acte de constitution est notifié entre avocats, et que c'est cette notification de l'acte de constitution qui informe l'avocat de l'appelant qu'une partie est représentée.
Cela relance le débat de la partie qui omet de régulariser un acte de constitution, et qui néanmoins régularise des conclusions.
Sur cette question, il serait bien d'avoir la position de la Cour de cassation.
Quel est la situation procédurale de celui qui ne notifie pas un acte de constitution ? Les conclusions peuvent-elles pallier cette omission procédurale ?
Question en suspens, qui pourtant n'est pas dénuée d'intérêts... pratiques.
La Cour de cassation justifie par ailleurs les raisons pour lesquelles les diligences procédurales mises à la charge des parties est importante.
Il ne s'agit pas de faire de la procédure pour la procédure, mais "de garantir l’efficacité de la procédure et les droits de la défense, en mettant l’intimé en mesure de disposer de la totalité du temps imparti".
Les droits de la défense sont mis en avant.
Ca vaut que ça vaut, car en pratique, la partie intimée aurait pu, en l'espèce, être en mesure de conclure dans son délai.
N'est-il pas dangereux d'ouvrir cette porte dans laquelle les parties en difficulté vont s'engouffrer ?
Cela étant, si la Cour de cassation a rejeté le moyen, alors même que c'est le même avocat qui a représenté l'intimé en appel, il est peu probable qu'il se trouvera un cas d'espèce où l'irrégularité sera écartée. De plus, sauf erreur, dans cette affaire, l'intimé avait été en mesure de conclure.
Donc, ça ressemble davantage à un habillage, pour faire passer la pilule.
Mais en vrai, ça ressemble à ce qui avait cour avant.
Enfin, j'dis ça j'dis rien...
Je passe rapidement sur le point moqueur de la Cour de cassation, selon lequel l'appelant ne pouvait ignorer ne pas avoir été destinataire d'un acte de constitution.
Mais l'argument n'était pas non plus d'une pertinence folle !
Bref, un arrêt qui n'est pas nouveau dans la solution donnée.
Je suis plutôt d'avis que son intérêt réside dans les motifs qui ont conduit la Cour de cassation à cet arrêt publié.
Une nouvelle ère ?