Le conseiller de la mise en état est-il toujours compétent - nous devrions plutôt dire a-t-il toujours le pouvoir, car nous sommes davantage sur un problème de pouvoir que de compétence - pour se prononcer sur une irrecevabilité des conclusions ?
L'article 914 nous indique que le conseiller de la mise en état statue sur l'irrecevabilité des conclusions en application des articles 909 et 910 du CPC.
Mais nous avons vu sur ce blog que la Cour de cassation a étendu cette irrecevabilité, puisque le CME statue aussi sur l'irrecevabilité des conclusions en application de l'article 930-1 du CPC.
Cette extension jurisprudentielle sera peut-être entérinée par le décret de procédure que nous attendons depuis plus d'un an désormais.
Mais quid de l'irrecevabilité des conclusions 961 ?
C'est à cette question que répond la Cour de cassation, par un arrêt qui ne créé pas véritablement la surprise.
La Cour de cassation (Civ. 2e, 13 octobre 2016, N° de pourvoi: 15-24932, Publié au bulletin) se prononce en ce sens par arrêt publié :
Vu les articles 126, 908, 960, alinéa 2, et 961 du code de procédure civile ;
Attendu que pour infirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état, l'arrêt retient que les conclusions des appelants déposées et signifiées le 13 octobre 2014 ne mentionnant pas leur domicile réel sont irrecevables et que la déclaration d'appel est déclarée caduque par application des dispositions de l'article 908 du code de procédure civile ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, saisie par le déféré formé contre l'ordonnance d'un conseiller de la mise en état, la cour d'appel qui, statuant dans le champ de compétence d'attribution de ce dernier, ne pouvait pas se prononcer sur l'irrecevabilité de conclusions prévue à l'article 961 du code de procédure civile, a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevables les conclusions d'appelant déposées et signifiées le 13 octobre 2014 et prononcé la caducité de la déclaration d'appel, l'arrêt rendu le 24 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que la cour d'appel n'était pas compétente pour statuer sur l'irrecevabilité de conclusions prévue à l'article 961 du code de procédure civile ;
Nous avions déjà vu que la Cour de cassation avait précisé que cette irrecevabilité était temporaire, et pouvait être régularisée jusqu'à ce que le juge statue.
Il n'était donc pas plus envisageable de soulever l'irrecevabilité pour aboutir à la caducité de la déclaration d'appel (ce que j'avais tenté et obtenu dès 2012 devant la Cour d'appel de Rennes, mais cette jurisprudence avait fait song feu).
Désormais, nous savons aussi que le conseiller de la mise en état ne peut se prononcer sur cette irrecevabilité temporaire qui devra être présentée à la formation collégiale de la cour d'appel. Et ce alors même que la finalité de l'incident n'est pas d'obtenir l'irrecevabilité des conclusions, mais bien la caducité laquelle est du pouvoir exclusif du conseiller de la mise en état.
Cela étant, avec cette possibilité de régulariser, il devenait moins intéressant de saisir le CME. Il est préférable de mettre trois lignes dans les conclusions au fond, en espérant que l'adversaire ne corrige rien (je l'ai vu passer dans un dossier...).
Toutefois, nous savons aussi qu'il peut être utile de discuter de ce point avant d'aborder le fond.
En effet, nous pouvons nous trouver face à un adversaire qui dissimule sa véritable adresse. Et il est alors intéressant de le forcer, par un incident, à justifier de son adresse réelle.
Mais non, cela sera soumis au juge du fond.
Bref, ce qu'il faut retenir, c'est que l'irrecevabilité des conclusions sur le fondement de l'article 961 du CPC ne peut aboutir à une caducité de la déclaration d'appel, et, pour les mêmes raisons, à une irrecevabilité 909 des conclusions adverses, laquelle irrecevabilité n'est quant à elle pas temporaire mais bien définitive.
l'irrecevabilité des conclusions sur le fondement de l'article 961 du CPC ne peut aboutir à une caducité de la déclaration d'appel, ou à une irrecevabilité 909
Il me semble avoir suggéré, dans un article, d'étendre les pouvoirs du CME pour statuer sur cette irrecevabilité 961. Ma suggestion est enterrée et bien enterrée.
Il faut aussi retenir, mais qui pouvait en douter, que la cour d'appel, sur déféré, statue dans les limites des pouvoirs - le terme "compétence d'attribution" utilisé par la Cour de cassation me gêne un peu - que détient le conseiller de la mise en état.
la cour d'appel, sur déféré, statue dans les limites des pouvoirs que détient le conseiller de la mise en état
Le déféré n'investit pas les juges d'appel de tous les pouvoirs.
C'était évident, et ça l'est encore plus lorsque c'est dit.
A noter que c'est une cassation sans renvoi, ce qui n'est pas très courant.
La Cour de cassation répond donc à la question, en disant que la cour d'appel n'était pas compétente pour statuer sur l'irrecevabilité de conclusions prévue à l'article 961.
Commentaires
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MCC
je me posais la question suivante : avec la nouvelle procédure, Mon contradicteur a fait appel d'une ordonnance en référé.
mon dossier devant la chb sociale de la CA a été fixée en circuit court. J'ai une date de clôture et une date d'audience devant le conseiller rapporteur.
Je souhaite soulever la caducité de la DA de l'appelant en application de l'article 905-2 du CPC (il a conclu plus d'un mois après la réception de l'avis de fixation).
Dois je le faire devant le président de la chambre ou devant le conseiller de la mise en état ?
merci de votre retour
VBD
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Ma chère consoeur,
Pas de CME en circuit court. Le décret de mai 2017 a donné un pouvoir juridictionnel au président de chambre. C'est donc lui qu'il faut saisir par conclusions dédiées.
Votre bien dévoué,
CL
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Bonjour,
Désolé de remonter un post vieux de 3 ans, mais j'ai été récemment amené à me poser une questison sur la "mort" de la stratégie que vous aviez adoptée en 2012.
1° L'irrecevabilité des conclusions sur 960 CPC ne peut pas être invoquée devant le CME (ni CA statuant sur déféré) puisque pas visé par 914 CPC. Donc en tant que partie je ne peux les invoquer que devant la CA en plaidoirie, soit.
2° De son côté, la CA peut tout à fait relever d'office la caducité de mon appel (la purge de la mise en état ne vaut que pour les parties, 914 al. 2 CPC). En revanche, elle ne peut pas relever d'office l'irrecevabilité tirée de la violation de 960 CPC (Cass. com., 6/09/2016, 14-25891), il faut qu'une partie l'invoque, soit.
3° Ne pourrions-nous en quelque sorte travailler main dans la main avec la CA ? J'invoque en plaidoirie l'irrecevabilité des conclusions de l'adversaire, elle la prononce, et elle en profite pour relever d'office la caducité de la déclaration d'appel, les conclusions déposées dans le délai de 908 CPC étant subitement devenues irrecevables ?
Il me semble que cette stratégie pourrait permettre de contourner la limitation des pouvoirs du CME, mais j'oublie peut-être certains éléments...
Merci d'avance pour votre opinion !