On reproche souvent/parfois à la Cour de cassation un excès de formalisme, ce dont elle se défend.

Et nous pensons immédiatement à cette demande d'infirmation/annulation dans le dispositif des conclusions.

Avec cet arrêt, publié, la Cour de cassation nous montre qu'elle peut aussi faire preuve de souplesse, et prendre un peu de recul avec le texte.

Ce texte, c'est l'article 954, qui impose aux parties de prévoir une partie discussion, dans les conclusions.

L'interprétation qui en est faite par la Cour de cassation est relativement souple (Cass. 2e civ., 8 sept. 2022, n° 21-12.736, Publié au bulletin) :

« Vu l’article 954, alinéas 2 et 3, du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 et l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis :
5. Aux termes du deuxième alinéa de ce texte, les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions et si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière distincte.
6. Le troisième alinéa de ce texte dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
7. Ces dispositions, qui imposent la présentation, dans les conclusions, des prétentions ainsi que des moyens soutenus à l’appui de ces prétentions, ont pour finalité de permettre, en introduisant une discussion, de les distinguer de l’exposé des faits et de la procédure, de l’énoncé des chefs de jugement critiqués et du dispositif récapitulant les prétentions. Elles tendent à assurer une clarté et une lisibilité des écritures des parties.
8. Elles n’exigent pas que les prétentions et les moyens contenus dans les conclusions d’appel figurent formellement sous un paragraphe intitulé « discussion ». Il importe que ces éléments apparaissent de manière claire et lisible dans le corps des conclusions.
9. Pour confirmer le jugement, l’arrêt retient que les conclusions de l’appelante ne comprenant aucune partie discussion au sens de l’article 954, alinéas 2 et 3, du code de procédure civile puisque qu’elles se limitent à présenter l’objet de la demande décliné d’abord en fait puis en droit, de sorte que la cour d’appel, qui n’a pas à répondre au moindre moyen invoqué dans une partie discussion, ne peut que confirmer le jugement, sans qu’il soit utile d’examiner la question de la recevabilité des moyens nouveaux opposée par les intimés.
10. En statuant ainsi, alors que les conclusions de l’appelante distinguaient, dans la partie « en droit », les prétentions ainsi que les moyens soutenus en appel à l’appui des prétentions, la cour d’appel, qui a ajouté au texte une condition qu’il ne prévoit pas, a violé le texte et le principe susvisés
. »

La Cour de cassation se penche donc sur la finalité du texte, pour savoir ce qui peut être exigé.

Et cette finalité est de rendre des conclusions claires et lisibles, c'est-à-dire de faciliter le travail du juge qui n'a pas à aller chercher des moyens dans l'exposé des faits.

Inutile donc que la partie consacrée à la discussion soit intitulé "discussion"... même si, avouons-le, il peut paraître assez logique de la dénommer de cette manière...

Mais attention, cela n'est pas non plus la porte ouverte à tous les excès.

La partie peut recevoir un titre différent, comme un "II", ou alors "EN DROIT", "MOTIFS", etc. Il pourrait même être imaginé qu'elle ne soit pas titrée, si elle est distincte ?

Ce qu'il faut, c'est qu'elle apparaisse distinctement, que le juge sache précisément où il doit chercher les moyens qui lui sont soumis et auxquels il devra répondre.

En tout état de cause, c'est dans cette partie, et elle-seule, que sont développés les motifs. Ainsi, il n'est pas question, à mon avis, de répondre à une difficulté de procédure tel l'absence d'effet dévolutif, dans la partie "rappel de la procédure".

Cela étant, en pratique, faites au plus simple : faites une partie DISCUSSION après la partie "FAITS ET PROCEDURE". C'est plus simple ainsi, et il n'est pas besoin de faire dans l'originalité concernant la présentation des conclusions.

Espérons que le législateur, de son côté, n'ira mettre davantage de formalisme dans ces conclusions qui le sont bien bien assez comme ça...

Auteur: 
Christophe Lhermitte