Un titre un peu obscur ? Voire qui ne veut rien dire ? Qui proclame des évidences ? Pas sûr, pas sûr...
Pour restituer le contexte, nous sommes dans le cadre d'un déféré d'une ordonnance dont j'ai déjà fait état à l'occasion d'un autre article.
Je ne vais pas revenir sur le caractère conventionnel du décret, qui au surplus a été consacré récemment par la Cour de cassation (voir l'article ici).
Dans le cas qui nous intéresse - enfin, qui m'intéresse tout au moins... - l'intimé, qui avait constitué avocat tardivement et avait conclu encore plus tardivement, reprochait notamment à l'appelant de ne pas avoir communiqué ses pièces à la partie défaillante.
La réponse de la Cour d'appel de Rennes est la suivante (CA Rennes 1re ch. 9 septembre 2014, n° 14-02415, Réf. cabinet 100472) :
"L’absence de constitution a interdit aux appelants de signifier leurs pièces à son conseil, ce qui, au regard des dispositions de l’article 906 du code de procédure civile ne peut leur être reproché et explique qu’ils n’aient signifié à l’intimé le 02 Juillet suivant, par application des dispositions de l’article 911 du même code, que leurs seules conclusions d’appelants."
La lecture de ce court extrait n'est pas nécessairement limpide, donc, voici l'explication de texte.
Rappelons que le Code de procédure civile, assez curieusement du reste, n'a pas consacré de sous-section à la communication des pièces, devant quelque juridiction que ce soit.
En appel, c'est l'article 961 alinéa 2 du Code de procédure civile qui dispose que "la communication des pièces est valablement attestée par la signature de l'avocat destinataire apposée sur le bordereau établi par l'avocat qui procède à la communication". L'article 815 alinéa 2, for logiquement, est rédigé de la même manière pour la procédure devant le tribunal de grande instance.
la communication des pièces est valablement attestée par la signature de l'avocat destinataire apposée sur le bordereau
Alors, premier enseignement : on ne signifie pas des pièces, on les communique. Les signifier - ce qui cependant n'est pas interdit - supposera un acte d'huissier, une signification étant nécessairement une notification par voie d'huissier.
Or, aucun texte n'a jamais imposé la moindre forme pour la communication des pièces, et surtout pas un acte d'huissier.
une communication n'est pas nécessairement une signification
Cela les différencie des actes de procédure tels les conclusions, les actes de constitution.
Au demeurant, quel intérêt de procéder par voie de signification, qui entraînera des frais, alors qu'il existe d'autre voie de loin moins onéreuse.
Une signification ne pourrait être utile que dans certains dossiers, dans lesquels il pourrait exister une difficulté ou une particularité. Ce pourrait être le cas, par exemple, pour la communication d'une pièce importante en original.
D'autre part, les pièces sont communiquées entre auxiliaires de justice, et non aux parties elles-mêmes. En effet, aucun texte du Code de procédure civile ne prévoit la communication des pièces à une partie dès lors que la représentation est obligatoire. Il appartient à qui veut communication des pièces de son adversaire, de constituer avocat en temps utile, de sorte que la communication entre avocats puisse être effectuée, conformément aux textes.
les pièces sont communiquées entre auxiliaires de justice, et non aux parties elles-mêmes
Les pièces ne peuvent donc être communiquées à l'avocat de la partie qu'après qu'elle ait constitué avocat, et que celui-ci ait informé son confrère de sa constitution (la nuance est à faire entre la constitution d'un avocat, et l'information de cette constitution à l'autre avocat : voir à cet égard l'article Gazette du Palais cité en bibliographie sous l'article 815 du CPC, éditions Dalloz).
En outre, pour la procédure à l'occasion de laquelle est née la notion de "simultanéité", aucun texte n'impose la communication des pièces simultanément à la signification des conclusions à la partie intimée, étant au besoin précisé que les nouvelles dispositions n'imposent pas d'assigner (au rebours de l'ancien article 908 du Code de procédure civile) mais seulement de signifier les conclusions à l'intimé (il n'y a plus lieu à assigner depuis l'entrée en vigueur du décret du 9 décembre 2009 : voir l'article fort intéressant à ce sujet au Dalloz). Au surplus, l'article 56 du code de procédure civile exige seulement un visa des pièces sur laquelle la demande est fondée mais non une communication de celles-ci (voir par exemple Cour d'appel Aix-en-Provence 10 janvier 2013, n° 11/1037).
aucun texte n'impose la communication des pièces simultanément à la signification des conclusions à la partie intimée
Autre conséquence de cette absence de forme imposée, tout mode est admis pour communiquer des pièces : le bon vieux papier, la télécopie, le courrier électronique, le RPVA, la clé USB, le bon vieux CD (et oui, c'est déjà fini pour le CD) ou DVD, etc.
Il suffit que l'avocat soit en possession d'un bordereau signé du confrère qui atteste de cette communication.
tout mode est admis pour communiquer des pièces
Ben voilà, tout est dit, ou presque, sur la communication des pièces.
Et ce qui est vrai en appel, est vrai devant le tribunal.
Après cela, verrons-nous encore des "significations des pièces" ? Je crois que oui...
Commentaires
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Bonjour,
Je me refuse toujours de répondre à des questions compliquées qui suppose d'être en possession de tous les éléments.
Cordialement,
CL
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Bonjour Maître,
j'ai été ''victime'' d'un huissier de justice qui a signifié mes conclusions et pièces à la partie adverse au lieu de les signifier à l'avocat constitué.
Le conseiller de la mise en état a déclaré ma déclaration d'appel caduque; J'ai donc déféré cette ordonnance à la Cour.
Dois-je plaider l'entier dossier (caducité et fond)?
Merci de votre réponse
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Cher Maître
Cela signifierait-il qu'il n'y ait véritablement aucune précision imposée par le CPC quant au délai de communication des pièces de la part de l'intimé ?
Bien à vous
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Bonjour,
Pas de délais, si ce n'est celui du "temps utile".
Cdt,
CL
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Bonjour Maître.
Lors d'une procédure d'appel, dans le cadre d'une affaire de troubles de voisinage, notre avocat a laissé passer les délais de réponse. Il ne nous a pas prévenu. Pourtant nous lui avons écrit de nombreux courriers pour avoir des informations sur le déroulement de la procédure. Nous sommes les intitimés. Nous l'avons appris seulement lors du résultat de l'appel qui évidemment est en faveur de la partie adverse. Nous n'avons pas pu nous défendre.
Quels sont les recours possibles dans cette affaire ?
Par avance, merci pour votre réponse.
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Bonjour,
Je ne peux malheureusement aps répondre à votre interrogation, ne connaissant pas votre affaire.
Désolé !
Cordialement,
CL
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Bonjour Maitre,
J'assigne au tribunal judiciaire un entreprise avec laquelle j'ai eu des problemes pour demander la resolution judiciaire du contrat avec indemnisations. Une date d'audience est prevue au 24 septembre 2020. Hors je viens de voir sur le site Le Bon Coin que cette entreprise est mise en vente par ses proprietaires depuis peu. Comment je peux proteger mes interets si la vente est conclue avant la date d'audience du 24 septembre puisque jusqu'au jugement, si le juge me donne raison bien entendu, il n'y a pas de dette certaine ?
Je vous remercie infiniement
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Bonjour, je dois procéder à une assignation en licitation devant le TGI et l'huissier que je m'apprête à mandater pour délivrer l'assignation me dit que je dois aussi joindre mes pièces visées au bordereau.
Est ce vrai, dans le cadre d'une assignation en licitation ?
Merci pour votre prompte réponse !
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Cher Maître,
Je souhaite faire appel suite au jugement rendue de la liquidation des biens. On me réclame une somme que j'ai déjà remis sur le compte joint et je peux le prouver, ce document n'avait pas été remis par mon avocate lors des conclusions. Et pareil on me demande de rembourser à mon ex conjoint une somme que je lui ai déjà rendue, ce que je peux prouver aussi. Pensez vous que je pourrai avoir gain de cause vu que j'ai remboursé tout ce que je devais.
Vous en remerciant de votre réponse,
Bien à vous