C'est un arrêt intéressant que celui-ci (Cass. 2e civ., 20 mai 2021, n° 20-14.339) :
« Vu les articles 564 et 567 du code de procédure civile :
11. Aux termes du premier de ces textes, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d‘un fait. Selon le second de ces textes, les demandes reconventionnelles sont recevables en appel.
12. Pour déclarer recevable la demande de provision présentée par l’ENIM, l’arrêt retient que, non comparante en première instance, l’ENIM est, par voie de conséquence, recevable à présenter une demande de provision pour la première fois devant la cour et que la fin de non-recevoir soulevée par la société Axa France IARD sur le fondement de l’article 564 du code de procédure civile sera dès lors rejetée.
13. En se déterminant ainsi, alors qu’elle avait constaté que l’ENIM n’avait pas comparu en première instance, la cour d’appel, qui aurait dû rechercher si cette demande présentée pour la première fois en appel était recevable au regard des textes susvisés, n’a pas donné de base légale à sa décision. »
On a souvent entendu que pour qu'une demande soit irrecevable comme étant nouvelle, la partie devait être comparante en première instance. Un arrêt, de mémoire de la Cour d'appel de Paris, était cité dans le CPC (le rouge de chez Dalloz). Mais il y a quelques années (3 ou 4 ans peut-être), j'avais constaté que cet arrêt a disparu du code.
La Cour de cassation n'avait jamais eu, à ma connaissance, cette position.
Petit à petit, a été restreinte cette possibilité pour une partie défaillante de former des demandes.
Le cas le plus frappant est celui en matière de saisie immobilière. La partie qui n'a pas comparu ou n'a rien dit devant le premier juge ne peut faire valoir aucuen prétention en appel. Ainsi, elle ne peut même pas demander en appel la vente amiable du bien saisi.
Le rapport Delmas-Goyon (de 2013 je crois) allait dans le même sens.
Et la Cour de cassation avait, sauf erreur, statué dans le même sens il y a quelques années.
C'est cette position qui est réaffirmée ici.
La question qui reste en suspens est celle de savoir quelles sont les prétentions visées.
Est-ce que le débouté, qui est une prétention, est concerné ?
Cet arrêt semblerait l'exclure puisqu'elle admet la demande nouvelle si elle tend à faire écarter les prétentions adverses. Et là, la demande de débouté semble entrer dans cette définition.
Mais c'est à peu près tout ce que pourra soutenir l'appelant.
Il ne pourra quasiment rien dire d'autre.
Cet arrêt est à mettre dans un coin de la tête (pour celui qui a la tête carrée), car en cas d'appel d'une partie défaillante en première instance, et sauf si elle dispose d'un moyen d'annulation du jugement, cette partie appelante n'aura pas une grande marge de manoeuvre. Et il ne faudra pas alors oublier de conclure à l'irrecevabilité de certaines... laquelle irrecevabilité relèvera du pouvoir du CME si l'instance (initiale) a été introduite le 1er janvier 2020.
Commentaires
Par curiosité, comment on
Permalien
Par curiosité, comment on qualifierait la demande de provision faite en première instance par un défendeur (ENIM) contre un codéfendeur (AXA) ?
A première vue ça me semble être une demande incidente, mais elle ne peut ici être ni additionnelle, ni en intervention, et je ne suis pas sûr que la reconvention visée par 64 CPC puisse s'appliquer à autre chose qu'une demande de type "contre-attaque" (or, Axa n'avait ici soumis aucune prétention contre ENIM). Et puis si elle avait été reconventionnelle, elle aurait été jugée recevable en appel...