Comme la foudre, la sanction peut tomber un peu n'importe où en appel...
Dans une affaire somme tout assez classique, sans difficulté apparente particulière, l'appelant avait fait le choix de procéder selon la procédure à jour fixe.
Jusque là, rien à redire...
... hormis peut-être que l'avocat de l'appelant avait négligé d'informer son confrère qu'il avait procédé de cette manière, et que c'est las partie qui a reçu l'assignation qui en a informé son conseil. Pas cool !
A réception de l'acte d'assignation, l'avocat postulant - dont je tairais le nom de peur que cela passe pour de la prétention - informe l'avocat, qui a eu la bonne idée de s'entourer d'un spécialiste de la procédure d'appel, - bon, d'accord, il n'avait pas le choix au regard des règles actuelles de la territorialité de la postulation, mais je suis persuadé qu'il aurait agi de la même manière autrement - de l'existence de deux moyens d'irrecevabilité.
Aussitôt dit, aussitôt fait, l'avocat plaidant intègre dans ses conclusions quatre lignes - vraiment, quatre lignes - qui scelleront le sort de la procédure d'appel.
La Cour d'appel de Rennes n'ayant pas été saisie comme il le fallait selon les règles de procédure civile régissant la procédure à jour fixe, et je reste volontairement flou à ce sujet, la sanction tombe, imparable : caducité de la déclaration d'appel ! (CA Rennes 4e ch. 18 septembre 2014, 14-01688, Réf. cabinet 100835).
- Premier enseignement de cet arrêt :
Ce qui est intéressant dans cet arrêt est que la caducité de la déclaration d'appel, s'agissant d'un jour fixe, est prononcée non pas par un magistrat de la mise en état, mais par la formation collégiale de la Cour.
Cela renvoie immédiatement à l'article 902 du Code de procédure civile en matière de procédure "circuit court" de l'article 905 du Code de procédure civile.
Il en ressort qu'en cas de non respect de certaines règles de procédure, et dans les affaires sans magistrat de la mise en état, la formation collégiale de la Cour est compétente pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel.
Un auteur l'avait déjà dit : dans les procédures relevant de l'article 905 du CPC, "l'esprit du texte (le décret de 2009) voudrait que que la formation collégiale (de la cour d'appel) puisse avoir cette compétence (prononcer la caducité de la déclaration d'appel" (article Gazette du palais de juillet 2014).
la formation collégiale, dans certains cas, a compétence pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel
Cette compétence paraît indiscutable.
La caducité de la déclaration d'appel n'est donc pas de la seule compétence du conseiller de la mise en état.
- deuxième enseignement accessoire de cet arrêt :
La procédure, c'est simple, jusqu'à ce que l'on trébuche.
Rouler ivre et sans permis ne conduit pas nécessairement à avoir un accident ou à se faire pincer par les gars en bleu (en plus de vingt ans de permis, je n'ai soufflé qu'une fois dans un "ballon").
La procédure d'appel, c'est tout pareil.
La claque derrière la nuque n'est pas toujours là où on l'attend.
Un petit article pour une morale dans l'histoire : il y a des spécialistes de la procédure d'appel, servez-vous en ! Ils ne demandent que cela !
En l'espèce, le moyen d'irrecevabilité n'était pas si évident, et a d'ailleurs échappé à l'appelant. Une erreur bête, qui aurait facilement pu être évitée, mais dont la sanction obligera à passer par la casse "déclaration de sinistres", case qui devient tout de même un peu trop fréquentée, et qui risque, à terme, de coûter cher aux autres joueurs.
C'était un message des spécialistes de la procédure d'appel...
Commentaires
Permalien
Merci à vous chère consoeur pour ces compliments auxquels j'avoue être très sensible.
Bien entendu, le cabinet se tient à votre entière disposition.
Vore bien dévoué confrère,
Permalien
Quelle élan, quel fraicheur,
La lecture de vos article est toujours un moment de pur bonheur !
Merci d'éclairer ainsi cette matière pleine de vie de subtilité.
C'est la rendre encore plus vivante et faire la part belle au droit dont nous avons tendance, en tant qu'anciens avocats (lol), à oublier l'importance en l’inondant de faits, laissant au seul juge le soin de requalifier, quand il s'en donne la peine.
Or l'office du juge n'est pas de "rattraper" mais de juger.
Une "saine" qualification des points de droit soumis permettra sans coups férir d'imposer au juge de répondre non point aux faits, mais à la problématique procédurale, une fois franchie la "recevabilité".
Ah, la procédure, quand tu nous tiens ... quelle saveur mais quelle sueur froide quand on la place derrière les faits !
Un lecteur convaincu,
PW
Permalien
Et oui, la procédure civile, c'est notre fugu à nous : un plaisir qui peut être mortel ! Et comme le dauphin se drogue avec le fugu*, nous nous droguons avec notre CPC !
Mais quel plaisir...
Et quel plaisir aussi que de réussir à faire partager, surtout sur un sujet a priori froid et sec comme l'est la procédure.
Merci. Sincèrement, merci.
* véridique, à ce qu'il paraît...
Permalien
Bonjour,
J'aime votre style enlevé et la vivacité de vos répliques
C'est vrai que vous savez donner envie de recourir à vos talents - je saurais m'en souvenir
Bien confraternellement