Demande, moyen... il n'est pas toujours évident de s'y retrouver.

Pourtant, cette distinction est essentielle, faute de quoi l'avocat et le juge peuvent se fourvoyer.

C'est ce qui est arrivé en l'espèce (Cass. 2e civ., 2 févr. 2023, n° 21-18.382, Publié au bulletin.) :

« 6. Pour confirmer le jugement, l’arrêt, après avoir rappelé les termes des articles 910-4 et 564 du code de procédure civile, retient que l’engagement disproportionné ouvre à la caution un moyen de défense au fond lui permettant de faire rejeter, selon l’article 71, la demande de son adversaire. Il ajoute que l’article 564 autorisant les nouvelles prétentions dès lors qu’elles ont pour objet de faire écarter les prétentions adverses, la demande tirée de la disposition n’est pas irrecevable comme nouvelle en cause d’appel. Il relève que, dans ses conclusions du 10 mai 2019, M. [J] n’a pas sollicité la déchéance de la banque dans sa motivation, la demande de débouté de la banque ne renvoyant à aucune prétention dûment explicitée et justifiée par des pièces comme l’exige l’article 564. Il retient qu’est irrecevable ce moyen de défense soulevé pour la première fois par conclusion du 26 septembre 2019 et dans son dispositif, déclare irrecevable la demande de l’appelant fondée sur l’article L. 332-1 du code de la consommation.
7. En statuant ainsi, alors que l’appelant avait, conformément à l’article 954 précité, mentionné ses prétentions tendant au débouté de la banque, dans le dispositif de ses premières conclusions remises dans le délai de l’article 908 du code de procédure civile, et que l’article 910-4 ne fait pas obstacle à la présentation d’un moyen nouveau dans des conclusions postérieures, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 7 avril 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;
»

 

Il était reproché à la partie de ne pas avoir demandé la déchéance de la banque dans les premières conclusions, et d'avoir conclu tardivement de ce chef au regard de l'article 910-4.

C'est donc une irrecevabilité qui a été prononcée par la cour d'appel.

La Cour de cassation casse l'arrêt.

La déchéance n'était pas la prétention, mais le moyen de défense.

Or, et nous le savons sauf erreur depuis au moins 2013, sous Magendie 1er, les parties peuvent invoquer de nouveaux moyens jusqu'à la clôture de l'instruction. Et cela n'a pas été remis en question par Magendie 2nd. On contrôle la voie d'achèvement, mais on ne l'interdit pas.

Et il est intéressant de relever quelle est la prétention collée à ce moyen de défense : le débouté de la banque.

Et précisément, la partie avait bien formé cette prétention, car rappelons-le, le débouté est une prétention, non une formule de style à mettre "au cas où"...

Pour cette raison, la partie n'aurait se contenter d'un dispositif demandant de "Prononcer la déchéance de la banque". C'est un moyen qui n'a pas à apparaître dans le dispositif, le débouté suffisant... et s'imposant.

Pour autant, dans la déclaration d'appel, il pourra être opportun de mention ce chef commeune chef critiqué : "la déchéance de la banque".

Autre conséquence, si la partie omet de se prévaloir de cette déchéance, et en application de l'illustre Césaréo (juillet 2006, pour rappel), il est hors de question de refaire un procès pour se prévaloir de cette déchéance. C'est l'application du principe de concentration des moyens.

Auteur: 
Christophe Lhermitte