A ma connaissance, c'est la première fois que la Cour de cassation se prononce sur cette question du droit absolu dont dispose la partie à demander à être entendue en audience collégiale (Cass. 2e civ., 20 oct. 2022, n° 20-22.099, Publié au bulletin) :
« Vu l’article 945-1 du code de procédure civile :
5. Il résulte de ce texte que si le magistrat chargé du rapport peut tenir seul l’audience, c’est à la double condition de constater que les avocats ou les personnes qui ont qualité pour présenter des observations orales ne s’y opposent pas et d’entendre les plaidoiries.
6. Pour rejeter la demande de renvoi en audience collégiale, l’arrêt relève que les parties ont été avisées par ordonnance de fixation du 1er octobre 2019 que l’affaire était inscrite au rôle d’une audience devant le magistrat rapporteur et que la cotisante qui a accusé réception de cette ordonnance n’a demandé le renvoi en audience collégiale qu’en réponse à la demande de l’intimée présentée lors de l’audience du 4 juin 2020 d’écarter des débats les pièces et conclusions transmises la veille. Il retient qu’une telle demande de renvoi se heurte au principe de loyauté des débats.
7. En statuant ainsi, alors que l’opposition des parties à la tenue de l’audience devant un juge rapporteur peut être présentée le jour même de l’audience et qu’une partie ne peut être privée de son droit à ce que l’affaire l’opposant à son adversaire soit débattue contradictoirement en audience collégiale, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »
On comprend ici que la partie avait demandé cette collégialité pour des raisons bien particulières : la demande de rejet des pièces et conclusions tardives.
Mais peu importe le motif pour lequel cete collégialité est demandée.
Après, si le magistrat qui tient seul l'audience veut donner une réponse de berger à la bergère, il fait chercher deux magistrats à l'arrache, et le tour est joué.
Précisons aussi que le petit jeu de l'avocat a ses limites. Le renvoi à une audience collégiale n'a pas pour conséquence le report ou la révocation de l'ordonnance de clôture. Les conclusions et pièces tardives le demeurent, et seront écartées dans les mêmes conditions.
Quoi qu'il en soit, la collégialité est un droit et peut être demandé à tout moment.
Reste le cas où il est demandé une audience collégiale, mais que lorsque l'affaire est appelée à l'audience collégiale, l'affaire est... déposée. Qui ne l'a pas déjà vu ?
A part râler, il n'y a rien à dire.
Face à la réalité qu'est l'encombrement des juridictions, d'un nombre de magistrats peut-être insuffisant, de la place de la plaidoirie dans les affaires avec représentation obligatoire, ne faudrait-il pas revoir les textes ?
On veut simplifier la procédure d'appel - sur des points et avec des propositions qui ne me convainquent pas nécessairement, mais c'est nue autre histoire -, mais ne faudriat-il pas s'attaquer aux vrais problèmes ?
On pourrait prévoir un principe d'audience en rapporteur, mais avec évidemment un délibéré en collégialité. On prévoirait aussi des procédure sans audience, étant précisé que cette possibilité existe devant le TJ mais pas devant les cours d'appel, ce qui est absurde. On revoit la plaidoirie, avec une interactivité, voire avec la possibilité pour le magistrat - éventuellement après avis des avocats - de préciser les points sur lesquel il veut entendre les avocats, et sans que les avocats puissent alors déborder ce cadre fixé.
Ce sont des pistes qui certainement feraient gagner du temps aux magistrats, aux avocats, sans faire pour autant une justice au rabais.