Un arrêt qui tord un peu le coup à certaines idées reçues (Cass. 2e civ., 8 sept. 2022, n° 20-23.622, P) :
« Vu les articles 331 et 1037-1 du code de procédure civile :
7. En application du premier de ces textes, un tiers peut être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement et doit être appelé à l’instance, en temps utile, pour faire valoir sa défense.
8. En application du second, en cas de renvoi après cassation devant une cour d’appel, les conclusions de l’auteur de la déclaration de saisine sont remises au greffe et notifiées dans un délai de deux mois suivant cette déclaration et les parties adverses remettent et notifient leurs conclusions dans un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l’auteur de la déclaration.
9. Il résulte de ces textes que la demande d’intervention forcée n’est encadrée par aucun délai et qu’un tiers peut être appelé en déclaration de jugement commun plus de deux mois après la déclaration de saisine d’une cour d’appel de renvoi après cassation, dès lors qu’il est mis en cause en temps utile pour faire valoir sa défense et lui permettre, dans le délai de deux mois après la notification des conclusions de l’auteur de la déclaration, d’y répondre.
10. Pour débouter la caisse de ses demandes de remboursement des prestations servies à M. [D] [C] au titre de ses dépenses de santé et perte de gains professionnels, l’arrêt, après avoir décidé que la caisse était recevable, compte tenu du caractère indivisible du litige, à appeler M. [D] [C] dans la procédure d’appel toujours en cours, énonce que l’article 1037-1 du code de procédure civile impartit à la caisse, pour conclure, un délai de deux mois, à compter de la déclaration de saisine du 21 janvier 2020, soit jusqu’au 21 mars 2020, délai prorogé au 24 août 2020 par application des dispositions des ordonnances 2020-306 du 25 mars 2020 et 2020-560 du 13 mai 2020 prises dans le cadre de la loi d’urgence sanitaire liée à la pandémie Covid 19.
11. L’arrêt ajoute qu’en cas de non-respect de ce délai, la caisse est réputée s’en tenir aux moyens et prétentions qu’elle avait soumis à la cour d’appel de Rennes et que si la caisse a conclu dans le délai, le 2 mars 2020, à l’égard de M. [D] [C], de Mme [K] et de son assureur, pour demander à la cour d’évaluer les dépenses de santé actuelles et la perte de gains professionnels actuels de M. [D] [C] et imputer ses chefs de créance sur les préjudices ainsi liquidés, à cette date, comme à la date limite du 24 août 2020, M. [D] [C] n’était pas partie à la procédure sur renvoi après cassation et les conclusions demandant l’évaluation de son préjudice ne lui ont jamais été signifiées, de sorte qu’à son égard elles sont irrecevables au regard des dispositions de l’article 16 du code de procédure civile.
12. L’arrêt précise que la déclaration de saisine complémentaire du 28 août 2020 est inopérante à l’égard de M. [D] [C], comme tardive.
13. En statuant ainsi, alors que la déclaration complémentaire de saisine de la cour d’appel de renvoi du 28 août 2020, qui constituait une demande en intervention forcée de M. [C], n’était pas soumise au délai de deux mois prévu par l’article 1037-1 du code de procédure civile, la cour d’appel, qui ne pouvait la considérer comme tardive, a violé les textes susvisés. »
Et oui, on a tendance à vouloir mettre des délais un peu partout, même lorsqu’il n’y en a pas.
Et cela me renvoie à mes jeune années professionnelles, comme collaborateur avoué… bien avant l’ère magendienne, donc.
J’avais alors pris l’habitude de modifier les modèles d’assignation en intervention forcée, pour supprimer toute référence à un délai de comparution de quinzaine.
Et je me rappelle un dossier, appelé en conférence de mise en état, et un conseiller de la mise en état (chambre commerciale) qui me fait observer que l’assignation a été signifiée moins de quinze jours avant l’audience. Je lui précise alors que la code de procédure civile - qui était encore le Nouveau Code de procédure civile (NCPC) - ne prévoyait aucun délai de comparution pour l’intervenant forcée, non concerné par le très ancien article 908 du CPC.
Donc, revoyez vos actes de procédure, et ne mettez des délais que lorsque le code le prévoit.
Pour en revenir à l’arrêt, duquel je me suis éloigné, il faut retenir que si l’appel magendien est enfermé dans des délais stricts, pour conclure, concentrer ses prétentions, etc., rien n’est imposé concernant l’intervention forcée. Il convient seulement que ce tiers soit appelé de manière à ce qu’il dispose du temps nécessaire (le « temps utile ») pour faire valoir sa défense.
Et ce qui est dit pour le renvoi de cassation l’est également pour le circuit ordinaire.
De la même manière, tout tiers peut intervenir à titre principal ou accessoire à tout moment de l’instance d’appel, sans que lui soit imposé un délai imposé. Et si l’instruction est close, cela reste encore possible, et je vous renvoie à cet égard à l’article 803 alinéa 2 du CPC qui prévoir alors dans quelles conditions la révocation de l’ordonnance de cl$oture peut intervenir.