Cette jurisprudence, nous l’attendions (Civ. 2e, 3 mars 2022, Pourvoi n° 20-17.419, P) :
« Vu les articles 83, 84, alinéa 2, 536 et 680 du code de procédure civile :
5. Selon le premier de ces textes, lorsque le juge s'est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l'objet d'un appel.
6. Selon le deuxième, en cas d'appel, l'appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d'appel, saisir dans le délai d'appel, le premier président en vue, selon le cas, d'être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d'une fixation prioritaire de l'affaire.
7. En application des deux derniers textes, le délai de recours ne court pas lorsque le jugement critiqué porte une mention erronée sur sa qualification, à moins que l'acte de notification de cette décision n'ait indiqué la voie de recours qui était effectivement ouverte.
8. Il en résulte que le délai d'appel, dans lequel l'appelant doit saisir le premier président en vue d'être autorisé à assigner à jour fixe, ne court pas lorsque le jugement critiqué porte une mention erronée sur sa qualification, à moins que l'acte de notification de cette décision n'ait indiqué la voie de recours qui était effectivement ouverte.
9. Après avoir énoncé, à bon droit, que l'ordonnance du juge de la mise en état était susceptible d'appel dans les conditions prévues aux articles 83 et 84 du code de procédure civile et pour constater la caducité de la déclaration d'appel, l'arrêt retient, en substance, que, s'agissant de l'erreur invoquée dans l'ordonnance frappée d'appel, l'article 680 du code de procédure civile prévoit que l'acte de notification doit indiquer de manière très apparente le délai d'appel et que cette règle ne concerne que l'irrégularité contenue dans l'acte de notification d'un jugement, et non dans le jugement lui-même et qu'en l'espèce, l'erreur concerne la décision mais non sa notification.
10. Il relève que les dispositions des articles 83 et 84 s'imposent et que l'appelant ne justifiant pas avoir saisi le premier président d'une requête tendant à être autorisé à assigner les intimés à jour fixe, la déclaration d'appel doit être déclarée caduque.
11. En se déterminant ainsi, alors que l'ordonnance frappée d'appel comportait la mention d'une voie de recours erronée et qu'il lui appartenait de rechercher si un acte de notification mentionnant la voie de recours ouverte par l'article 84 du code de procédure civile avait été effectué, à défaut duquel le délai d'appel ne pouvait commencer à courir, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. ».
La solution n’est pas une surprise, surtout pour ceux - que je remercie chaleureusement - qui ont fait l’acquisition de l’ouvrage Procédures d’appel (j’ai pas fini de faire de l’autopromotion du livre ?).
En effet, j’y écris :
« Il n’est pas précisé que la notification doit mentionner la nécessité de recourir à la procédure à jour fixe dans le cas d’un appel. Toutefois, en matière d’appel du jugement d’orientation, en saisie immobilière, qui prévoit un jour fixe de droit, il a été jugé, au visa de l’article 680 du code de procé- dure civile, que l’acte de signification doit mentionner les modalités de l’appel contre ce jugement qui est formé, instruit et jugé selon la procédure à jour fixe. La Cour de cassation a considéré qu’en l’absence de cette mention, le délai ne court pas.
Il devrait en être de même concernant l’appel en matière d’exception d’incompétence, dont le régime est similaire.
La partie, qui loupe son délai pour inscrire son appel et saisir le premier président, veillera donc à vérifier si la notification contenait la mention selon laquelle l’appel devait être fait selon la procédure à jour fixe. Et si tel n’est pas le cas, un appel pourrait être réitéré en se prévalant que le délai n’a pas commencé à courir en présence d’une notification irrégulière quant aux modalités indiquées.
Et la partie à qui profite la décision sur l’incompétence aura soin de son côté à effectuer cette vérification, et à procéder à une signification par huissier si elle constate que l’acte de notification n’est pas conforme. » Procédures d’appel, 2022-2023, Dalloz coll. delmas express, n° 54-53).
Tout cela n’est pas un cas d’école, car il est courant que les notifications contiennent des informations erronées, ou même qu’il n’y ait aps notification.
L’avocat doit donc être vigilant, et celui qui y a intérêt devra parfois faire signifier un jugement statuant sur la compétence pour faire courir le délai.
Nous aurions pu imaginer que la Cour de cassation s’empare de la notion, récente, de « professionnel averti » pour bouler l’avocat. Mais il n’en est rien, et elle fait preuve de souplesse, en reprenant sa jurisprudence concernant le jour fixe en saisie immobilière.
Je remercie la Cour de cassation pour avoir évité que mon ouvrage soit contredit le jour de sa sortie ! ????