Voilà un appelant qui se croyait sorti d'affaire, et qui va devoir retourner devant la cour d'appel de renvoi pour se prendre une volée de bois vert.
Un appelant se rate dans son acte d'appel puisqu'il omet de mentionner les chefs critiqués.
Maladroitement, l'intimé saisit le conseiller de la mise en état d'une irrecevabilité de l'appel.
Evidemment - encore que, il faut s'attendre à tout... - le conseiller de la mise en état rejette l'incident.
Mais dans ses conclusions au fond, l'intimé, tout en évoquant la même irrecevabilité déjà jugée par le CME, faisait état de l'absence d'effet dévolutif.
La cour d'appel, qui n'a pas fait fort, se focalise seulement sur l'irrecevabilité, qu'elle écarte en disant que le CME a déjà dit ce qu'il en pensait.
Devant la Cour de cassation, ça coine, évidemment (Cass. 2e civ., 15 avr. 2021, n° 20-12.558) :
« 7. Selon ce texte, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
8 . Pour statuer au fond, l’arrêt retient que la société Air France conclut à l’irrecevabilité de l’appel en relevant que M. X n’a pas expressément visé, dans son acte d’appel, les chefs du jugement expressément critiqués, ni régularisé cette omission dans les conditions visées à l’article 901, 4o, du code de procédure civile et que, par conséquent, cet acte privé d’effet dévolutif ne peut saisir la cour d’aucune demande.
9. Il ajoute que, par ordonnance du 12 février 2019, le magistrat chargé de la mise en état, déjà saisi de cette demande d’irrecevabilité par la société Air France, l’a définitivement rejetée, et tandis que l’effet dévolutif est au fondement de cette cause d’irrecevabilité de l’appel et qu’au surplus, l’article 914 du code de procédure civile dispose que les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d’appel l’irrecevabilité après la clôture de l’instruction à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement, il en résulte que la demande de nullité est irrecevable.
10. En statuant ainsi alors que, dans ses conclusions d’appel, la société Air France soutenait qu’en l’absence de déclaration d’appel rectificative de M. X dans le délai escompté, les demandes de M. X devaient être déclarées irrecevables en l’absence d’effet dévolutif d’appel, la cour d’appel, qui a modifié l’objet du litige, a violé le texte susvisé. »
Nous étions sur une absence d'effet dévolutif, qui relève de la cour d'appel, non du CME.
Peu importe par conséquent que le moyen d'irrecevabilité de l'appel ait été rejeté.
Au surplus, l'intimé concluait à l'irrecevabilité des demandes, ce qui n'était plus la même chose.
Mais il y a un truc qui me dérange dans cet arrêt.
Il pourrait laisser penser que la sanction serait l'irrecevabilité des demandes. Or, si cela semblait être la jurisprudence d'avant la réforme du 6 mai 2017, la Cour de cassation a écarté cette sanction pour ne retenir que l'absence de litige.
Il n'y a pas d'irrecevabilité puisque la cour d'appel n'est même pas saisie de demandes... qui n'ont donc pas à être déclarées irrecevables.
Et surtout, peu importe, me semble-t-il, ce que la partie peut soutenir ou pas, puisque les juges ne peuvent pas se prononcer au-delà de leur saisine.
Donc, même si l'intimé n'avait pas conclu sur l'absence d'effet dévolutif, la cour d'appel ne pouvait pas statuer, sauf à excéder leur pouvoir.
La Cour de cassation n'aurait-elle donc pas pu/dû, en se prononçant sur le fond, statuer sur cette absence ou d'effet dévolutif, de manière à purger la difficulté ?
En tout état de cause, devant la cour de renvoi, l'intimé initial qui a priori n'a pas intérêt à saisir la cour de renvoi, pourra demander à la cour d'appel de constater l'absence d'effet dévolutif, et subsidiairement conclure au débouté.