Nous sommes en 2021, le NCPC est devenu le CPC depuis longtemps, et j'étais encore en primaire lorsqu'il est sorti en garnde pompe (le NCPC).
Et pourtant, nous avons encore aujourd'hui des discussions sur la computation des délais.
Et c'est la Cour de cassation qui doit reprendre la leçon apparemment oubliée (Cass. 2e civ., 25 mars 2021, n° 19-20.636, Publié au bulletin) :
« Enoncé du moyen
4. L’ARES fait grief à l’arrêt de prononcer la caducité de sa déclaration d’appel alors : « qu’à peine de caducité de sa déclaration d’appel, l’appelant dispose d’un délai supplémentaire d’un mois, courant à compter de l’expiration du délai de trois mois prévu pour la remise de ses conclusions au greffe, pour les signifier à l’intimé qui n’a pas constitué avocat ou pour les lui notifier dans le même délai si entre temps, l’intimé a constitué avocat ; que le délai de trois mois expire le dernier jour à minuit et le délai d’un mois commence à courir le lendemain à zéro heure , qu’en retenant, pour dire que le délai de l’ARES pour signifier ses conclusions à Mme O… expirait le 13 novembre 2018, soit dans le délai global de quatre mois suivant la déclaration d’appel du 13 juillet 2018, cependant que le délai d’un mois, commençait à courir à compter de l’expiration du délai de trois mois le 13 octobre à minuit, soit à compter du 14 octobre 2018 à zéro heure, de sorte que l’ARES pouvait signifier ses conclusions jusqu’au 14 novembre à minuit, la cour d’appel a violé les articles 908, 911 et 642 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. Il résulte des articles 640 et 641 du code de procédure civile que lorsqu’un acte doit être accompli avant l’expiration d’un délai exprimé en mois, celui-ci a pour origine la date de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir et pour terme le jour qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir.
6. Lorsque l’intimé n’a pas constitué avocat, l’article 911 du code de procédure civile impose à l’appelant de signifier les conclusions remises au greffe au plus tard dans le mois suivant l’expiration du délai de trois mois prévu à l’article 908 du code de procédure civile. Il en résulte, que dans ce cas, le délai de l’article 908 étant prolongé d’un mois, l’appelant dispose d’un délai de quatre mois suivant la déclaration d’appel.
7. Ayant constaté que la déclaration d’appel avait été déposée le 13 juillet 2018 et que l’ARES avait notifié ses conclusions à l’intimée le 14 novembre 2018, c’est à bon droit que la cour d’appel en a déduit que l’appelant avait jusqu’au 13 novembre 2018 pour notifier ses conclusions à l’intimé ou à son avocat s’il avait été constitué, et que, faute de l’avoir fait, la déclaration d’appel était caduque.
8. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé. »
Bon, l'arrêt est publié, mais je ne comprends pas bien l'intérêt
La thèse soutenue était tout de même tirée par les chveux, non ?
Non, franchement, je ne vois pas bien ce qu'il y a à dire car la solution donnée ne me paraît pas vraiment discutable...
Après, à un jour près, c'est rageant.
Mais pour les impôts, c'est pareil. Pareil pour la boulangerie, quand elle est fermée, elle est fermée, même si ça fait une minute.
Bon, d'accord, je préfère me priver de pain une journée plutôt que d'aller saluer nos amis de la Société de Courtage des Barreaux. Mais sur le principe, c'est tout pareil !
Commentaires
Même si la décision était
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Même si la décision était prévisible, je trouve que vous êtes sévère envers cet avocat: l'argument ne me semble pas si sot et pourrait même se prévaloir de la lettre du texte.
Il s'agit d'un délai "supplémentaire" qui court "à compter de l'expiration" du délai précédent. La traduction littérale que le pourvoi essaie de vendre à la Cour de cassation est que cela fait 3 mois +1 mois.
Ce qui serait effectivement différent de 4 mois d'un bloc.
Et après tout, le texte ne dit pas "si l'intimé n'a pas constitué avocat dans ce délai [celui de 3 mois], alors l'appelant doit, à peine de caducité, lui signifier ses conclusions dans les 4 mois de sa déclaration d'appel", ce qui serait pour le coup sans équivoque.
Fusionner le délai d'1 mois au délai de 3 mois paraît sévère, dans la mesure où, précisément, le délai supplémentaire semble être là pour permettre à l'avocat de l'appelant qui découvre au bout de 3 mois que son adversaire n'a pas constitué de basculer sur une signification à partie. L'inverse me semble demander audit avocat d'anticiper la non constitution de l'adversaire et de prévoir dès le début une signification dans les 4 mois de la DA (tout en gardant au chaud une notif RPVA en cas de constitution in extremis...et peut-être stratégique).
Reste que, comme vous le dîtes, si l'avocat est à un jour près, c'est qu'il n'a pas joué la sécurité, et tant pis pour lui...
Zut, je me suis laissé abuser
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Zut, je me suis laissé abuser par les guillemets, et le "supplémentaire" est ajouté par le pourvoi à 911 CPC.
Mais le texte dit bien "dans le mois suivant l'expiration" du délai de 3 mois, et pas "dans le délai de 4 mois à compter de la DA (ou de la notif des conclusions de l'appelant pour les appels incidents)".
Donc il me semble quand même que l'interprétation proposée en désespoir de cause par l'avocat en l'espèce aurait pu fonctionner.
L'argument n'était pas sot,
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L'argument n'était pas sot, effectivement, mais un peu gros quand même, je trouve.
Je crois que ce qui me dérangeait le plus, en réalité, c'était que ça aurait bouleversé nos certitudes, nos pratiques. Il devenait assez difficile, je trouve, de calculer les délais. Ca aurait été très déstabilisant.
Le texte n'était pas très bien écrit, et c'est la Cour de cassation qui avait dû apporter des précisions, notamment sur le fait que le délai d'un mois de 911 commençait à courir non à la remise des conclusions, mais à l'expiration du 908 (on fait comme si l'avocat remettait ses conclusions le dernier jour).
C'est aussi la Cour de cassation qui avait dû préciser dans quelles conditions devait s'appliquer ce délai d'un mois, car le texte permettait des coups imparables en cas de constitution dans le délai 908, sans que l'appekant ait eu le temps - même en étant diligent - de notifier les conclusions à l'avocat.