L'avocat ne doit pas seulement connaître les règles juridiques, il doit aussi avoir des notions informatiques, car la communication électronique, c'est devenu de la procédure !
En témoigne les arrêtés techniques concernant la communicaiton électronique, et notamment celui du 30 mars 2011 qui a depuis laissé sa place à celui du 20 mai 2020.
Lorsque l'appel était formé par l'avoué, ce dernier remettait (remise physique) la déclaration d'appel (papier) en plusieurs exemplaires, et il récupérait un exemplaire sur lequel était apposé le cachet du greffe. Il justifiait ainsi avoir régularisé un acte d'appel à une date déterminée.
Depuis la communication électronique, l'avocat n'établit plus cette déclaration d'appel, laquelle est devenu un acte de procédure d'un genre nouveau.
L'avocat remplit les cases, via le RPVA - ou un logiciel métier qui communique avec le RPVA -, et est alors créé un fichier de type XML qui contient les éléments devant figurer dans l'acte d'appel : identité des parties, chefs critiqués, etc. le tout étant signé numériquement lors de l'envoi avec les clés de l'avocat signataire.
Cet envoi génère un avis de réception qui remplace le bon vieux cachet du greffe. Mais cela prouve l'envoi, non le contenu.
Pour savoir ce qui a été transmis, il faut aller fouiller dans le XML.
Dans notre affaire, notre appelant a dû s'y prendre à plusieurs reprises pour envoyer sa déclaration d'appel. Le problème est qu'entre temps, lors du dernier envoi, le délai d'appel était expiré.
Son appel a été déclaré irrecevable, le CME et la cour sur déféré ayant considére que l'appelant ne justifiait pas du contenu de son envoi XML, ne produisant que les avis de réception. Or, ces avis de réception, évidemment, ne contiennent pas le fichier XML, mais des fichiers PDF qui ont été créés à réception du... fichier XML.
La Cour de casation sanctionne la cour d'appel qui est allé un peu vite en besogne, et a inversé la charge de la preuve en présence de ce que l'on peut voir comme constituant une présomption (Cass. 2e civ., 4 févr. 2021, n° 19-21.070) :
« Réponse de la Cour
Vu les articles 748-1, 748-3, 930-1 du code de procédure civile et 5, 7, 8 et 10 de l’arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d’appel :
5. Pour confirmer l’ordonnance du conseiller de la mise en état, l’arrêt retient que pour justifier qu’il a adressé antérieurement à la déclaration d’appel tardive du 29 mars 2018, une première déclaration d’appel le 9 mars, puis une deuxième le 12 mars, M. Y se borne à produire des avis de réception de messages des 9 et 12 mars adressés par son avocat [par le réseau privé virtuel des avocats (le RPVA)] avec pour objet « déclaration d’appel », mention d’une PJ DA signée, et le texte: « veuillez trouver ci-joint la déclaration d’appel », ainsi que deux documents, au format PDF, intitulés « déclaration d’appel » qui ne sont en réalité que des pièces jointes telles que prévues par l’article 6 de l’arrêté du 30 mars 2011, sans justifier du contenu des déclarations d’appel elles-mêmes au format XML et de leur conformité aux dispositions de l’article 901 du code de procédure civile.
6. En se déterminant ainsi, sans rechercher le contenu des pièces jointes aux messages électroniques que l’appelant démontrait avoir remis au greffe par la production de deux avis électroniques de réception émanant du serveur de messagerie du greffe, alors qu’il ressort des productions que ces messages électroniques indiquaient adresser la déclaration d’appel de l’appelant, la cour d’appel, qui n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle, n’a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 12 juin 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; »
Par la production des AR, qui contenait l'indication selon laquelle avait été transmis la déclaration d'appel, l'appelant bénéficie d'une présomption qu'il a bien fait ce qu'il fallait.
C'est la toute la force de cet AR.
Le CME devait, en présence d'un AR, rechercher quel était le contenu des pièces jointes, à savoir le fichier XML contenant les mentions de la DA, et le fichier joint qui devait être le jugement.
Ce n'est que s'il existe un problème quant au contenu de ces pièces que la cour pouvait sanctionner un manquement.
Il pourrait en être ainsi si la pièce jointe ne contenait pas le jugement dont, ou si le fichier XML ne contient pas les mentions, ou même que ce fichier XML est manquant.
Cet arrêt n'est pas publié, et je crois au demeurant que la Cour de cassation s'était prononcée récemment dans le même sens.
Il appartient à la cour et au CME d'être plus précis en présence d'un AR, et à celui ui invoque une irrecevabilité - ou autre - à démontrer également que l'appelant a été défaillant dans les pièces transmises au greffe.