Rien à voir, mais cela me rappelle une récente plaidoirie, dans le cadre d'un déféré, à l'occasion de laquelle un de mes adversaires soutenait que l'article 68, qui se trouve dans les dispositions communes à toutes les juridictions, ne s'appliquait pas à la procédure d'appel au motif que... tenez-vous, ça va faire mal mal... "les règles spéciales dérogent aux règles générales"...
Les articles 900 et suivants sont les règles spéciales qui écarteraient les dispositions communes selon ma thèse de mon contradicteur.
Et oui, l'avocat a osé, et a surtout osé croire à cet argument qu'elle a tout de même plaidé !
Je vous laisse imaginer la teneur de l'arrêt sur déféré...
Ici, il s'agit des dispositions concernant la communication électronique, et leur application dans les procédure sans représentation obligatoire.
Une partie fait un appel d'un jugement prud'homal, à une époque où l'appel relevait encore des articles 933 et suivants du CPC, donc avant entrée en vigueur du décret du 20 mai 2016.
L'arrêté du 5 mai 2010 admet que l'appel puisse être fait par voie électronique. Je me permets à cet égard de vous renvoyer à un arrêt publié de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 10 novembre 2016, que j'avais eu l'occasion de commenter dans Dalloz Avocats.
C'est de cette manière que l'avocat voulait procéder, et nous pouvons le comprendre. C'est d'ailleurs de cette manière que nous procédons au cabinet.
Mais, catastrophe ! le RPVA avait lâché ! Impossible donc pour notre malheureux confrère d'envoyer son acte par voie électronique.
Et le bureau de poste était fermé... ce à quoi il pourrait être répondu que la lettre recommandée par voie électronique, ça existe... ce à quoi on peut aussi rétorquer que ce que contient une lettre électronique, n'est par définition que la copie d'un acte de procédure, sans pouvoir être l'acte de procédure lui-même.
Par conséquent, je doute de la régularité d'un envoi par lettre recommandée électronique, même s'il est vrai aussi que l'absence d'une signature relèverait de la nullité pour vice de forme. Mais ce qui me gêne le plus, est que la nature "acte de procédure" du document joint est très discutable.
Face à cette impossibilité, notre confrère va donc régulariser son appel le lendemain, soit hors délai.
La cour d'appel a déclaré l'appel irrecevable.
Si la cour d'appel admet effectivement que l'appel peut être fait par RPVA, elle considère en revanche que "ces dispositions (prévoyant une prorogation du délai au premier jour ouvrable) s'inscrivent dans le cadre de la procédure avec représentation obligatoire alors qu'en procédure sans représentation obligatoire la transmission de la déclaration d'appel par voie électronique s'avère être une formalité non obligatoire, qu'ainsi ces dispositions ne sauraient avoir vocation à s'appliquer en cas de dysfonctionnement du système RPVA".
La Cour de cassation n'est pas de cet avis et l'arrêt est cassé (Civ. 2e, 17 mai 2018, n° 17-20001, Bull. civ.).
Cet arrêt nous paraît conforme.
Rien ne justifierait un régime différent selon que la procédure est avec ou sans représentation obligatoire.
Quand bien même l'utilisation du RPVA n'est qu'une faculté, lorsque la représentation n'est pas obligatoire, l'avocat doit pouvoir avoir la même protection que lorsqu'il est obligé de transmettre son acte de procédure par voie électronique.
En conséquence, les dispositions communes concernant la communication électronique, prévoyant une prorogation du délai en cas de cause étrangère, s'appliquent devant toutes les juridictions, que la procédure soit avec ou sans représentation obligatoire.
La différence entre ces procédures ne se fera pas au regard des règles du Code de procédure civile, mais de l'arrêté technique qui sera soit celui du 5 mai 2010 pour les procédures sans représentation obligatoire, et celui du 30 janvier 2011 pour les procédures avec représentation obligatoire.
Et là, effectivement, il peut y avoir des conséquences importantes dont nous reparlerons peut-être un jour à l'occasion d'un arrêt de la Cour de cassation...