La Cour de cassation a été saisie, pour avis, par la Cour d'appel de Montpellier, dans les termes suivants :
Est-ce que les parties qui s’estiment en état de plaider ont des diligences à accomplir lorsque d’une part le conseiller de la mise en état n’a pas jugé utile de faire procéder à de nouveaux échanges et d’autre part l’avis de fixation intervient plus de deux ans après les dernières écritures, en raison d’une surcharge du rôle, étant précisé que ni la demande de fixation faite par les parties ni les conclusions récapitulatives identiques aux précédentes ne sont susceptibles d’interrompre le délai de péremption selon la jurisprudence de la Cour de cassation ?
Existe-t-il un réel suspense sur ce que la Cour de cassation va pouvoir dire ?
Ce qui me dérange, est la formulation de la question qui part, selon moi, d'un postulat de départ qui est erroné.
Il y est affirmé que "ni la demande de fixation faite par les parties ni les conclusions récapitulatives identiques aux précédentes ne sont susceptibles d’interrompre le délai de péremption".
Pour les "conclusions récapitulatives" - que je mets entre guillemets car les "récapitulatives" ont disparu en... décembre 1998, soit la date depuis laquelle elles fleurissent... -, je suis d'accord. Des conclusions identiques ne font pas avancer l'affaire. Il en est de même de conclusions qui ne feraient qu'augmenter la demande d'article 700, ou la communication d'une pièce étrangère à l'affaire.
En revanche, il est selon moi inexact d'affirmer qu'une demande de fixation n'est pas susceptible d'interrompre la péremption. Ce n'est pas tout à fait cela, pour moi.
Même si la Cour de cassation a pu considérer qu'une demande de fixation ne constitue pas à elle-seule, une diligence dispensant les parties d'accomplies diligences pour interrompre la péremption (Civ. 2e, 12 juin 2003, Bull. civ. II, no 192), il en va différemment lorsque la procédure est en état par ailleurs.
D'ailleurs, dans cet arrêt de 2003, c'est précisément la demande de fixation (2 octobre 1997) qui avait été retenue comme constituant la dernière diligence interruptive, de sorte que la péremption était acquise passée le délai de deux ans, au 2 octobre 1999. La Cour de cassation rappelait en outre "les premières diligences interruptives de péremption effectuées les 23 mai et 2 octobre 1997", la date du 2 octobre 1997 correspondant à la demande de fixation. Seulement, en l'espèce, la partie n'avait rien fait d'autre pendant plus de deux ans après cette diligence (demande de fixation), s'estimant perché de seul fait de cette demande.
Il en ressortait que la demande de fixation n'est pas en soi suffisante, sauf lorsque la procédure est en état que les parties n'ont aucune autre diligence à accomplir.
Et surtout, si une demande de fixation avait été faite, cela n'avait pour conséquence de geler cette péremption qui recommencerait à courir à chaque diligence. Une seule demande de fixation 'était pas suffisante, et cette demande devait être renouvelée, faute de quoi... c'en est cuit !
C'est ce qui dit cet arrêt, qui à mon avis est trop souvent mal interprété.
On retient seulement l'attendu selon lequel "les demandes de fixation de l'affaire ne dispensaient pas les parties d'accomplir les diligences propres à éviter la péremption de l'instance" sans lire le reste de l'arrêt, et sans le décortiquer un peu. On en conclut, à tort, que les demandes de fixation ne sont pas des diligences.
La Cour de cassation l'avait d'ailleurs retenu en procédure orale (Civ. 2e, 30 avr. 2009).
Ainsi, si la partie doit mettre la procédure en état en assignant une partie, la demande de fixation n'aura aucun effet interruptif.
C'est en cela que cette diligence doit s'inscrire dans un contexte pour avoir cet effet.
Et si l partie demande la fixation, elle doit réitérer sa demande avant l'expiration du délai de deux ans.
Au demeurant, les récents arrêts de la Cour de cassation en matière de péremption s'inscrivent dans ce cadre.
Le 16 décembre 2016, la Cour de cassation a estimé (Civ. 2e, 16 déc. 2016, n° 15-26083, Publié au bulletin, mais elle l'avait déjà dit : Civ. 2e, 15 mai 2014, Bull. civ. II, no 112) que "à compter de la fixation, le 22 février 2013, de la date des débats, les parties n'avaient plus à accomplir de diligences de nature à faire progresser l'instance de sorte que le délai de péremption se trouvait suspendu, la cour d'appel a violé les textes susvisés".
Il en ressort que la seule diligence qui pouvait être faite, dans une affaire en état sur le plan procédural, est de demander la fixation. Mais si l'affaire est fixée, cette diligence ne peut plus être effectuée, de sorte qu'il est normal alors de considérer que lorsque l'affaire est fixée, les parties n'ont plus de diligences à effectuer, et que la péremption n'est plus encourue.
De plus - et surtout ? - la Cour de cassation, le même jour, dans un second arrêt (Civ. 2e, 16 décembre 2016, n° 15-27917, Bull. civ.) avait reproché aux parties de n'avoir "pris d'initiative pour faire avancer l'instance ou obtenir une fixation". Donc, faire diligence pour obtenir une fixation aurait suffi.
En définitif, la Cour de cassation ne renverra-t-elle pas à son arrêt du 16 décembre 2016 (Civ. 2e, 16 décembre 2016, n° 15-27917, Bull. civ.) qui semble contenir les éléments de réponse ?
Après expiration des délais, même si l'affaire est en état d'être jugée, et tant qu'elle n'est pas fixée, les parties doivent accomplir les diligences de nature à interrompre la péremption, soit en faisant des actes de nature à faire avancer l'affaire (compléter utilement des conclusions, etc.) ou en tentant d'obtenir une fixation de l'affaire, et sans que la surcharge du rôle - qui au demeurant est une notion qui serait difficile à appréhender - ne soit un motif dispensant les parties de tels actes.
Nous verrons bien.
Commentaires
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"les « récapitulatives » ont disparu en… décembre 1998"
Les articles 753 al. 2 et 954 al. 2 du CPC prévoient pourtant que les prétentions et moyens doivent être récapitulés.
Bien cordialement
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Mais c'est le dispositif qui est récapitulatif, pas les conclusions.
L'ancien - mais alors très ancien - article 954 du NCPC (il était encore nouveau, ce code..), prévoyait que "L'avoué ou les avoués d'une ou plusieurs parties peuvent être invités à récapituler les moyens qui auraient été successivement présentés. Les moyens qui ne sont pas récapitulés sont regardés comme abandonnés". C'était cela les conclusions récapitulatives.
Les moyens étaient récapitulés, mais il ne s'agissait pas de conclusions de synthèse. Les précédentes conclusions n'étaient pas abandonnées. Seules étaient abandonnés, alors, les moyens (et seulement les moyens) non repris dans ces conclusions récapitulatives... ce qui n'empêchait pas de conclure à nouveau, sans faire de synthèse, et même sans récapituler les moyens...
Le terme "récapituler" a effectivement disparu du Code en 1998, pour ne réapparaître qu'avec le décret dit Magendie de... 2009, pour le seul dispositif. Et c'est précisément en 1998 que les avocats/avoués ont commencé à intituler leurs conclusions "conclusions récapitulatives", ce que je me suis toujours refusé à faire, dès 1998. Je les intitule tout simplement "conclusions", et je les qualifie de "conclusions de synthèse" depuis lors.
Et pour la procédure de première instance, l'article 753 n'utilise nullement ce terme... ce qui, pour la petite histoire - et paradoxalement s'agissant d'une procédure orale -, n'est pas le cas du décret de mai 2016 en matière prud'homale qui exige quant à lui un dispositif récapitulatif. Mais il faut s'attendre à ce que la prochaine réforme introduise le dispositif récapitulatif devant le TGI.
Bien cordialement,
CL